Un membre de la tribu des Guajajara a été tué dans le nord du Brésil par des trafiquants de bois. Un drame qui en dit long sur la menace qui pèse sur les peuples indigènes, menacés par les invasions illégales de leur territoire et la déforestation.
I l était "gardien de la forêt". De ces Indiens qui protègent ce qui reste de la lisière orientale de la forêt amazonienne, dans le nord du Brésil. Il était de ceux qui se battaient pour sauver la terre, celle de son peuple, les Guajajara, ou celle de la tribu isolée des Awà. De ceux qui veillent sur la plus grande forêt tropicale au monde.
P aulo Paulino avait 26 ans et il a été tué le 1er novembre d’une balle tirée dans le cou par un groupe de trafiquants de bois. Il était parti chercher de l’eau dans la rivière, en dehors de son village, en compagnie de son camarade, Laercio Guajajara. Ils ont été pris en embuscade par cinq hommes armés. Paulino a été tué sur le coup. Grièvement blessé au bras et à l’abdomen, Laercio a réussi à s’enfuir.
Cette attaque est le nouvel épisode d’un drame qui se joue quotidiennement à l’ombre de la canopée brésilienne. Les Gardiens de la forêt risquent leur vie tous les jours pour protéger des pans d’Amazonie de la destruction et du pillage des trafiquants illégaux.
"Notre forêt, notre vie"
Constitué de 180 hommes, le groupe s’est formé dans l’État du Maranhão pour faire face à l’inaction des pouvoirs publics contre la déforestation. Il tente de protéger la réserve d’Arariboia, territoire indigène officiel depuis 1990 qui s’étend sur 413 000 hectares et qui abrite 6 000 personnes, dont la tribu des Awá, tribu en isolement total et volontaire, considérée comme la plus menacée au monde.
"Notre forêt est notre vie : sans elle, nous serions tous morts. Nos 'frères et sœurs' des tribus isolées […] ne pourront pas survivre si elle est détruite", avait déclaré le groupe dans un appel aux ministres brésiliens relayé par l’association de défense des peuples indigènes, Survival.
En cas d’intrusion, les Gardiens de la forêt détruisent leur matériel, puis alertent les autorités, notamment en communiquant les coordonnées GPS des zones pillées. "Nous patrouillons dans la forêt pour trouver les bûcherons, détruisons leur matériel et les expulsons ; nous avons stoppé de nombreux bûcherons. Ces actions sont efficaces", avait déclaré le groupe.
Une efficacité qui peine néanmoins à lutter contre la récurrence des intrusions. Selon un rapport du Conseil indigéniste missionnaire (Cimi) , les violences contre les peuples indigènes au Brésil sont en augmentation constante. En 2019, plus de 160 intrusions ont été constatées sur 153 territoires, dans 19 États différents.
Climat le plus hostile depuis la dictature
Cette patouille autochtone ne trouve qu’un faible appui des autorités dans le climat politique brésilien actuel, le plus hostile aux peuples autochtones depuis la fin de la dictature militaire en 1985. Sans parler du déni qu’oppose le président Jair Bolsonaro à la déforestation et aux incendies qui ont ravagé l’Amazonie cet été.
En juin dernier, une vidéo tournée par Survival International recueillait le témoignage de ces gardiens de la forêt qui expliquaient être constamment menacés. L’an dernier, selon l’ ONG qui dénonce un "génocide institutionnalisé des peuples indigènes au Brésil" , vingt indigènes ont été tués par des groupes mafieux .
Après l’émotion suscitée par le meurtre de Paulo Paulino au Brésil, le ministre de la Justice a demandé l'ouverture d'une enquête judiciaire. Le gouverneur du Maranhão, Flávio Dino, a annoncé de son côté le 3 novembre la création d’un nouveau corps de police dédié à leur protection. L’unité sera composée de membres de la police militaire et civile et de pompi ers. Un premier geste.