![Particules ultrafines, un pollueur aussi nocif qu’invisible Particules ultrafines, un pollueur aussi nocif qu’invisible](/data/posts/2022/07/24/1658675848_Particules-ultrafines-un-pollueur-aussi-nocif-qu-invisible.jpg)
L’Agence nationale française de la sécurité sanitaire a publié, mardi, les résultats d’une analyse de la nocivité des particules ultrafines, des pollueurs méconnus du grand public et pourtant redoutables.
Comme si les dangers de la pollution aux particules fines ne suffisaient pas. L’Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses) a averti, mardi 16 juillet, des effets sur la santé des Français des particules ultrafines, moins connues du grand public que leur grande sœur, du carbone suie et du carbone organique.
Des “nouveaux” pollueurs qui contribuent au triste bilan des dizaines de milliers de décès prématurés en France à cause de la mauvaise qualité de l’air, conclut l’Anses après avoir épluché le corpus scientifique de 160 études publiées depuis la parution, en 2013, du rapport de référence sur la pollution de l’air de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Danger pour le développement cognitif de l'enfant ?
Si l’effet nocif des particules fines - problèmes cardiovasculaires, maladies respiratoires - est largement documenté et médiatisé, la prise de conscience des dangers des particules ultrafines est plus récente. “Ces particules sont connues depuis longtemps par la communauté scientifique, mais les médecins ne se sont emparés du sujet que depuis moins de dix ans environ”, explique Jean-Baptiste Renard, physicien spécialiste des particules fines au CNRS, contacté par France 24.
Une particule fine est, pour simplifier, une poussière dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres (plus de 30 fois plus petit qu’un grain de sable) qui provient du processus de combustion, que ce soit par un chauffage ou le moteur d’une voiture. Celles qui sont considérées comme ultrafines ont des origines similaires mais sont encore plus petites puisqu’elles mesurent moins de 100 nanomètres de diamètre (entre 1 000 et 1 300 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu). Le carbone suie ou organique fait partie des deux : il est classé parmi les particules fines, mais “se retrouve principalement parmi les plus petites d’entre elles [ultrafines, NDLR]”, note Airparif, l’organisme public chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France.
Leur petite taille participe à leur dangerosité. “Les particules ultrafines ne peuvent, par exemple, pas être bloquées par les masques et, alors que les muqueuses arrêtent la plupart des particules, ce n’est pas le cas des plus fines qui peuvent ainsi passer par les bronches, aller au poumon puis intégrer le réseau sanguin”, détaille Marco Daturi, professeur de chimie à l’université Caen-Normandie, contacté par France 24. En résumé, “elles peuvent affecter tous les organes du corps, y compris le cerveau”, précise Jean-Baptiste Renard.
Dans ses conclusions, l’Anses pointe d’ailleurs du doigt le risque que l’exposition aux particules ultrafines fait courir au développement cognitif de l’enfant. De par leur capacité à se faufiler en profondeur dans l’organisme, ces nanoparticules multiplient le risque que des substances toxiques qu’elles peuvent transporter viennent se fixer sur un organe du corps, causant des maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Ignorés des mesures de qualité de l’air
Ces dangereuses micropoussières sont particulièrement abondantes aux abords des grands axes routiers et dans le métro. L’une des raisons à cela est qu’elles “se forment lors du freinage des véhicules, ce qui fait que les plus fortes concentrations se trouvent dans les stations de métro, où le manque d’aération ne permet pas d’évacuer les particules ultrafines créées lors de l’arrêt des rames”, explique Marco Daturi. Un autre coupable désigné par Jean-Baptiste Renard est la voiture diesel : “Les filtres installés par les constructeurs bloquent les particules les plus imposantes, mais pas les ultrafines”, note ce spécialiste. En l'occurrence, il s’agit de carbone suie. Pire, les filtres “fragmentent les particules à la sortie des pots d’échappement, ce qui fait qu’ils tendent à multiplier ces nanoparticules”, a expliqué au Monde Thomas Bourdel, médecin radiologue à Strasbourg et grand spécialiste de cette pollution de l’air.
Ces particules ultrafines savent, en outre, se faire très discrètes : elles ne sont pas prises en compte par les mesures de la qualité de l’air. À cause de leur très petite taille, “elles ne pèsent rien ou presque, et échappent ainsi aux principaux outils de mesure qui prennent en compte la masse”, explique Jean-Baptiste Renard. Il existe des capteurs capables de les traquer, mais “ils sont très onéreux, et il faudrait une vraie volonté politique pour équiper les centres de mesure de ces appareils”, note ce physicien.
C’est pour cette raison qu’il juge l’appel à la vigilance de l’Anses très important : il met en lumière les lacunes du dispositif actuel qui ignore une partie du problème de la pollution de l’air. De plus, comme la prise de conscience de la nocivité de ces micropoussières n’est qu’assez récente, il n’y a aucun cadre normatif. Ainsi, si l’OMS a établi, au début des années 2000, des seuils d’exposition aux particules fines à ne pas dépasser, il n’existe pour l’instant aucun équivalent pour les nanoparticules.