Scientifiques et diplomates de 132 pays se réunissent jusqu'à samedi à Paris pour adopter la première évaluation mondiale de l'écosystème en 15 ans. Une base de réflexion pour les futures mesures.
Après le climat, c'est au tour de la biodiversité d'être au cœur de toutes les attentions. Sous l'égide de l'ONU, les experts et représentants politiques des quatre coins du monde se retrouvent à partir du lundi 29 avril au siège de l'Unesco, à Paris, pour une semaine de débats et de négociations. Lors de cette 7e conférence, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) doit établir un rapport sur l'état mondial de notre écosystème et réfléchir aux réactions politiques adéquates.
Au premier jour du sommet, Robert Watson, président de l'IPBES, dresse un constat alarmant : "Les preuves sont incontestables : notre destruction de la biodiversité et des services écosystémiques a atteint des niveaux qui menacent notre bien-être au moins autant que les changements climatiques induits par l'Homme". Une entrée en matière à l'image de la conclusion des experts.
Première évaluation mondiale en 15 ans
Pendant trois ans, plus de 150 scientifiques ont travaillé pour établir une évaluation détaillée de l'état actuel de la biodiversité mondiale. Ce rapport de plus de 1 800 pages, le premier inventaire en 15 ans, devrait devenir une référence scientifique en matière de biodiversité, comme le sont ceux du Giec pour le climat.
Un quart des 100 000 espèces évaluées, une portion minime des 8 millions estimées sur Terre, sont déjà menacées d'extinction. Mais "une accélération rapide imminente du taux d'extinction des espèces" est attendue par les scientifiques, selon le projet de rapport. Et entre 500 000 et un million devraient devenir à leur tour menacées, dont "beaucoup dans les prochaines décennies".
Protéger la biodiversité : une responsabilité
C'est désormais aux gouvernements des 132 pays de parcourir le document et engager les mesures nécessaires pour enrayer le processus de destruction. Ce rendez-vous à l'Unesco représente l'étape finale de cet état des lieux de notre écosystème et un premier pas vers une prise de conscience collective.
"Ce rapport fondamental rappellera à chacun d'entre nous ce constat criant de vérité : les générations actuelles ont la responsabilité de léguer aux générations futures une planète qui n'est pas irrémédiablement endommagée par les activités humaines", a déclaré Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco.
Un écosystème en voie de disparition
Définie comme "l'infrastructure" soutenant toute vie sur Terre, la biodiversité mondiale est de plus en plus menacée. Elle concerne toutes les espèces animales ou végétales vivant sur la planète, y compris celle qui se met elle-même en danger en détruisant la nature : l'Homme.
En 2018, le rapport "Planète vivante" de WWF tire la sonnette d'alarme. Il fait état de la disparition de la moitié des espèces sauvages en seulement 40 ans. La déforestation, l'usage de pesticides, la pêche et la chasse... L'activité humaine dans son ensemble est à l'origine d'une baisse de 60 % de la faune mondiale entre 1970 et 2014. L'Homme s'obstine à détruire une nature qui lui rend pourtant bien des services.
"Jusqu'à maintenant, nous avons parlé de l'importance de la biodiversité principalement d'un point de vue environnemental", note Robert Watson, patron de l'IPBES. "Maintenant, nous insistons sur le fait que la nature est cruciale pour la production alimentaire, pour l'eau pure, pour les médicaments et même la cohésion sociale", insiste-t-il.
Une préoccupation devenue politique
La biodiversité prend une place de plus en plus importante dans le débat politique. Lors de leur dernière rencontre, le président français et son homologue chinoisis Xi Jinping avaient promis "un sursaut mondial face à l'érosion de la biodiversité". Selon le ministère de la Transition écologique, Emmanuel Macron "souhaite que ces enjeux soient traités à égale importance avec les enjeux climatiques".
Le rassemblement de cette semaine est le premier de plusieurs événements à mettre l'écosystème au centre des discussions. Prochaine échéance : le G7 fin août à Biarritz, présidé par la France, qui a tenu à mettre la biodiversité à l'agenda.
Cette séquence aboutira à une réunion cruciale en 2020, en Chine, celle des États membres de la convention de l'ONU sur la diversité biologique (COP15), qui doit fixer un calendrier pour protéger la biodiversité sur la prochaine décennie. Un rendez-vous qui permettra de formaliser un plan d'action, comme cela a été fait pour le climat.
Lien fort entre enjeu climatique et biodiversité
Le rapport présenté cette semaine fait clairement le lien entre les deux menaces majeures que sont le réchauffement climatique et les atteintes à la nature, identifiant certaines causes similaires, en particulier les pratiques agricoles et la déforestation, responsables d'environ un quart des émissions de CO2 mais aussi de graves dommages directs aux écosystèmes.
Vu l'ampleur des réformes à mettre en place, qui impliquent une véritable transformation des modes de vie sur une planète de plus en plus peuplée, les résistances risquent d'être encore plus fortes que pour la lutte contre le changement climatique.
L'évaluation mondiale de la biodiversité réalisée par les experts sera rendue public le 6 mai.
Avec AFP