L'interpellation de deux journalistes d'une chaîne de télévision d'opposition ce week-end marque un nouveau pas dans la répression du gouvernement nicaraguayen de Daniel Ortega face aux médias.
Les représailles contre les médias se poursuivent au Nicaragua. Après l'arrestation samedi de Miguel Mora, propriétaire de la chaîne 100 % Noticias, c'est au tour de la directrice de la rédaction Lucia Pineda d'être placée en détention préventive, dimanche 23 décembre.
Le parquet de Managua a accusé la journaliste de 45 ans de "provocation, incitation et conspiration à commettre des actes terroristes", ainsi que d'incitation à la haine "envers l'institution de l'ordre public, la police nationale", selon un communiqué publié par la présidence de la République. Inculpé pour les mêmes motifs, Miguel Mora a été conduit en prison, menotté dans le dos et vêtu d'un uniforme bleu de prisonnier, encadré par des policiers cagoulés et armés de fusils.
"Une vengeance du gouvernement"
Une accusation "totalement absurde", a affirmé à l'AFP Sergio Marín, responsable du Comité des journalistes et des communicants indépendants. Ce dernier y voit "une vengeance du gouvernement" contre les journalistes qui le critiquent. La chaîne du câble, qui a été fermée par le gouvernement, a été l'un des médias en pointe dans la couverture de la crise que traverse le Nicaragua depuis le début des manifestations antigouvernementales le 18 avril, dont la répression a fait au moins 320 morts selon des ONG.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New-York, a demandé aux autorités la libération "immédiate" des journalistes de 100 % Noticias et la fin "de cette campagne désespérée pour réduire au silence des voix importantes", dans un communiqué citant la coordinatrice du programme pour l'Amérique centrale et du sud, Natalie Southwick.
Chasse aux médias depuis décembre
Les attaques et la censure contre la presse indépendante se sont intensifiées ces derniers temps dans le pays. La chasse aux médias a démarré début décembre avec la mise à sac des locaux du site d'information Internet Confidencial, dirigé par le journaliste Carlos Fernando Chamorro, un critique virulent du pouvoir.
Le quotidien La Prensa avait de son côté annoncé que le gouvernement l'empêchait d'acheter papier et encre, ainsi que des pièces détachées pour la maintenance de ses rotatives.
En raison de la double nationalité de Lucia Pineda, également costaricienne, le président du Costa Rica, Carlos Alvarado, a réagi sur Twitter en déplorant le recours à la "prison préventive". Le consul basé à Managua, Oscar Camacho, a annoncé qu'il fournirait un "suivi" et une "assistance consulaire" à la journaliste.
"Les États-Unis et ses alliés doivent exiger sa libération"
L'hostilité du gouvernemetnt nicaraguyen face aux journalistes a également fait réagir les États-Unis. "Les représailles des #OrtegaMurillo contre @LuciaPinedaU et de beaucoup d'autres journalistes est une violation supplémentaire du droit fondamental à l'expression", a commenté sur Twitter la parlementaire américaine républicaine Ileana Ros-Lehtinen. "Les États-Unis et ses alliés doivent exiger la liberté pour ces personnes".
La represalia de los #OrtegaMurillo contra @LuciaPinedaU y muchos otros periodistas es otro atropello mas al derecho basico de expresion. EEUU y aliados deben exigir libertad d estas personas y usar medidas fuertes para responsabilizar al regimen de estas atrocidades #Nicaragua https://t.co/cqRqawL8jP
Ileana Ros-Lehtinen (@RosLehtinen) 23 décembre 2018Le président Daniel Ortega, de plus en plus isolé sur la scène internationale, accentue la pression sur son opposition interne en s'en prenant aux défenseurs des droits de l'homme, aux médias indépendants et aux organisations de la société civile. Depuis huit mois, les troubles au Nicaragua ont fait plus de 320 morts, tandis que plus de 600 manifestants ont été jetés en prison, dont plus de la moitié ont déjà été condamnés à de lourdes peines pour "terrorisme".
L'ancien guérillero de 73 ans, confronté dans tout le pays à des manifestations massives réclamant son départ, refuse de démissionner ou d'avancer les élections. Il a également mis fin au dialogue qui s'était noué sous les auspices de l'Église catholique. Au pouvoir depuis 2007, il est accusé par ses opposants d'avoir monté avec son épouse Rosario Murillo un régime népotiste et corrompu.
Avec AFP