
Après cinq jours de bataille à Ghazni entre l’armée afghane et les Taliban, les autorités ont déclaré, mardi, avoir repris le contrôle de la ville. L’offensive a été cependant plus forte et organisée que veut bien le reconnaître le gouvernement.
Déclenchée le 9 août, l’offensive des Taliban contre la ville de Ghazni, dans l’est de l’Afghanistan, à une centaine de kilomètres de la frontière avec le Pakistan, donne lieu depuis cinq jours à d'intenses combats avec l’armée afghane.
"Les Taliban ont d’abord pris les premiers check-points de l’armée, puis les première casernes, puis ils sont entrés dans la ville. La police et l’armée ont alors été obligés de se retirer dans les bâtiments officiels", explique Wassim Nasr, journaliste à France 24, soulignant que l’attaque présente les attributs d’une attaque prévue de longue date.
Le choix de la cible et du moment de cette attaque ne doivent en effet rien au hasard. Chef-lieu de la province du même nom, Ghazni est une position stratégique : elle se trouve sur l'axe majeur Kaboul-Kandahar, qui relie la capitale aux provinces du Sud, en grande partie sous le contrôle des Taliban.
"Une victoire militaire et territoriale majeure à la veille de pourparlers potentiellement importants et directs peut aider les Taliban à acquérir davantage de poids politique", estime l'analyste kabouli Jawed Kohistani, interrogé par l’AFP.
Un timing de choix
Fin juillet, des diplomates américains ont accepté de rencontrer, pour la première fois directement, des représentants des Taliban à Doha, lâchant du lest sur leur position de principe selon laquelle toutes les négociations devaient être conduites par les Afghans. Depuis lors, le mouvement armé subit des pressions pour ouvrir de nouvelles négociations avec le gouvernement afghan.
"C’est un coup fort contre le gouvernement, ce qui l’affaiblit en vue des négociations à venir", explique Wassim Nasr. "Les Taliban sont dans une montée en puissance ; ils essayent même d’ouvrir des représentations dans certains pays d’Asie centrale et du Golfe. Il y a une dynamique qui est favorable aux Taliban et pas aux forces gouvernementales."
En juin, un bref cessez-le-feu entre armée et Taliban avait donné lieu à de nombreuses célébrations de part et d'autre. La possibilité d'un nouvel arrêt des combats à l'occasion de la fête religieuse de l'Aïd el-Kébir, la plus importante du calendrier musulman, qui tombera le 21 août, a été évoquée, et les Taliban ont indiqué, mardi, en considérer la possibilité.
Les tentatives de relance des négociations de paix ont été nombreuses dans le passé mais les seuls pourparlers directs se sont déroulés en 2015 au Pakistan. Ils avaient été interrompus à la suite de la confirmation de la mort du chef des Taliban, le mollah Omar.
Les capacités des forces afghanes en question
La difficile maîtrise des assaillants soulève des questions sur l'aptitude des forces afghanes et des dirigeants politiques à Kaboul à gérer le pays, trois ans après le retrait des forces de combat de l'Otan. Plusieurs analystes estiment que les autorités n'ont peut-être pas pris la mesure de la menace autour de Ghazni, sous-estimant les ressources des Taliban et surestimant la capacité dissuasive des frappes aériennes américaines.
À l'approche des élections législatives – en octobre – et présidentielle – en avril –, le président Ghani donne, pour sa part, l'impression de s'intéresser davantage à la campagne électorale qu'à la situation sécuritaire. Dans un long discours prononcé dimanche, il n'a d’ailleurs pas évoqué le sujet.
"Le succès de l'opération des Taliban sur Ghazni va certainement soulever beaucoup de questions sur la direction des forces de sécurité et l'armée afghanes et renforcer les appels à la réforme", juge Jawed Kohistani.
Mardi, le commandement de l’armée a annoncé qu'une base militaire du nord de l'Afghanistan abritant 100 soldats était passée sous le contrôle des Taliban après plusieurs jours de combats meurtriers.
Washington minimise aussi
Les forces américaines, qui sont intervenues en soutien à l’armée afghane, relativisent l'ampleur des combats, parlant d'"échec" des Taliban dans leur tentative de s'emparer de cette ville. Mais Rahimullah Yusufzai, un expert régional, estime que les Taliban n'ont jamais eu l'intention de tenir Ghazni, tout au plus de montrer qu'ils en étaient capables.
"La stratégie est de lancer de grandes attaques pour montrer leur pouvoir, tenir la ville pendant quelques jours, libérer leurs prisonniers, saisir des armes, de l'argent, semer la peur, et puis partir", explique-t-il à l’AFP.
Avec AFP