
Alors que le président Emmanuel Macron semble bien décidé à tourner la page de l'affaire Benalla, l'opposition a claqué la porte de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, et prépare des motions de censure contre le gouvernement.
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire Benalla a implosé, jeudi, avec le retrait du corapporteur LR Guillaume Larrivé, et du reste de l'opposition. À l'issue d'une nouvelle audition du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, Guillaume Larrivé s'est dit "contraint de suspendre sa participation à ce qui n'est devenu hélas qu'une parodie", après que la présidente de la commission, Yaël Braun-Pivet (LREM), eut refusé ses demandes d'audition.
D'autres groupes de l'opposition lui ont emboîté le pas en fin de journée, à commencer par les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, qui ont dénoncé "un sabotage", tout comme les communistes, évoquant une "mascarade". Critiques auquelles se sont joints les socialistes. Pour Marine Le Pen, du Rassemblement national (RN), "en empêchant la commission d'enquête de faire émerger la vérité, LREM se déshonore. Nous ne participerons plus à cette manœuvre indigne".
"Affaire d’État" contre "dérives individuelles"
Ces développements surviennent alors qu'Alexandre Benalla, mis en examen pour avoir malmené et frappé deux manifestants le 1er mai, pointe dans une interview au Monde "une volonté d'atteindre le président de la République" à travers lui.
Le clash au sein de la commission d’enquête était attendu depuis la veille, lorsque la majorité avait refusé d'accéder à la liste d'auditions demandée par Guillaume Larrivé, notamment "toute la chaîne hiérarchique" de l'Élysée, jusqu'au secrétaire général Alexis Kohler, et du ministère de l'Intérieur.
"Je pose la question : est-ce que l'Élysée souhaite torpiller les travaux de notre commission ?", a lancé le député qui "pense qu'instruction a été donnée aux députés LREM pour bâcler la préparation d'un vrai faux rapport".
"Inutile" d'aller au-delà
Prenant la parole dans la foulée, Yaël Braun-Pivet, s'est dite "choquée" par les propos du député sur une majorité "aux ordres de la présidence", rappelant que les auditions et le calendrier des travaux avaient fait l'objet d'un vote la veille.
"Nous ne sommes aux ordres de personne", s'est-elle défendu, rappelant que la commission n'aurait pu se créer sans l'accord de la majorité et dénonçant l'attitude de ceux qui voulaient faire de cette commission "une tribune".
Après avoir auditionné le ministre de l'Intérieur et son directeur de cabinet, les plus hauts responsables de la préfecture de police et, "fait exceptionnel, trois responsables de la présidence de la République", Yaël Braun-Pivet estimait "inutile" d'aller au-delà.
Sur le fond, là où LR voit une "affaire d'État", la majorité estime qu'on est en présence d'une affaire essentiellement policière, avec "des dérives individuelles de M. Alexandre Benalla et de certaines autorités de police". La majorité estime avoir été confortée dans son choix par l'audition par le Sénat jeudi du secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, "qui n'a rien apporté de nouveau".
La commission doit encore auditionner vendredi après-midi le commandant de la compagnie de CRS présente place de la Contrescarpe le 1er mai. Ce sera la dernière audition de la commission qui, en l'absence de Guillaume Larrivé, devrait adopter un rapport succinct la semaine prochaine.
Une tempête dans un verre d'eau
De son côté, en déplacement dans les Hautes-Pyrénées, Emmanuel Macron a paru bien décidé à tourner la page de la première grande crise de son mandat. "J'ai dit ce que j'avais à dire, c'est-à-dire que je crois que c'est une tempête dans un verre d'eau. Et pour beaucoup, c'est une tempête sous un crâne", a déclaré le chef de l'État à une journaliste de l'AFP.
"Il y a un président de la République qui est au travail, qui continue et que rien ne troublera", a ajouté quelques heures plus tard le chef de l'État en visite à Madrid. "Il y a eu un emballement par voie de presse", a-t-il détaillé devant la presse à l'issue d'un entretien avec le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.
Le chef de file des députés LR, Christian Jacob, dont le groupe a déposé jeudi soir une motion de censure contre le gouvernement qui sera débattue mardi prochain à 15h, a lui aussi sommé à nouveau le président de "s'expliquer face aux Français".
Une autre motion de censure de gauche pourrait être débattue en même temps, mais avec un vote séparé, après la proposition faite jeudi soir par les socialistes aux communistes et aux insoumis de déposer une motion commune.
Avec AFP