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Centenaire de la bataille du bois Belleau : le sacrifice des Marines américains

En cette année de centenaire, la cérémonie annuelle au cimetière américain du bois Belleau a revêtu un caractère particulier. De nombreux Marines ont fait le déplacement pour le souvenir de cette bataille, la plus importante de leur histoire.

Steve Kirkland est un solide gaillard. Casquette américaine sur la tête, il annonce fièrement qu'il est un vétéran de la guerre du Vietnam : "J'étais chez les Marines en 1968." Pourtant, ce militaire retraité fend très vite l'armure après quelques questions. Il laisse même couler quelques larmes : "Je suis désolé, c'est très émouvant d'être ici aujourd'hui."

Comme près de 5 000 personnes, Steve est venu en famille assister, dimanche 27 mai, à la cérémonie du Mémorial Day au cimetière américain du Bois Belleau dans l'Aisne (nord). Ce jour du souvenir américain rend hommage aux membres des forces armées des États-Unis, morts au combat, toutes guerres confondues. "C'est un honneur d'être là", lâche le vétéran en essuyant ses larmes.

"Se souvenir du sacrifice de ceux tombés ici"

En cette année du centenaire de la Première Guerre mondiale, cette cérémonie a un caractère tout particulier. C'est en effet ici même, il y a 100 ans, que des troupes américaines, et tout particulièrement des Marines, se sont opposées aux forces allemandes retranchées dans le secteur de Château Thierry, entre le 1er et le 26 juin 1918. "Bois Belleau, c'est l'une des batailles les plus importantes de l'histoire des Marines", résume Sean McBride, un Marine à l'uniforme impeccable, qui a fait tout spécialement le voyage depuis l'Allemagne pour participer à cette cérémonie. "Il faut se souvenir du sacrifice de ceux qui sont tombés ici. Nous avons perdu tellement d'hommes sur cette terre."

Le Bois Belleau est une page sanglante de l'histoire de ces soldats américains. Pour s'en rendre compte, il suffit de jeter un coup d'œil au cimetière de 21 hectares où s'étendent 2 289 tombes. En une seule journée, le 6 juin 1918, les Marines ont perdu 1 087 hommes, tués ou blessés, des pertes bien plus importante en cumulé que depuis leur création avant la guerre d'Indépendance américaine.

À la mitrailleuse ou au corps à corps, ils ont pourtant réussi à stopper l'avance allemande. Ils y ont gagné alors le surnom de "chiens de l'enfer". "C'est très important de connaître cette histoire et je suis très fier d'avoir fait partie de ce corps d'armée. J'aime cette discipline, cette intégrité et cet esprit de tradition", raconte Chil Hollimon, un marine retraité qui vit en Allemagne. "Je ne pouvais pas ne pas venir pour ce centenaire, c'est une occasion spéciale."

"Le premier engagement massif de l'armée américaine"

Signe que ce souvenir est encore très présent, c'est une bouture de chêne de ce bois que le président Emmanuel Macron a offert à son homologue Donald Trump lors de son récent voyage officiel aux États-Unis. Un siècle après la bataille du bois Belleau, ce nom résonne toujours autant de l'autre côté de l'Atlantique. Cette date marque en effet un tournant pour l'armée de ce pays, encore jeune par rapport à ses Alliés. "C'est le premier engagement massif de l'armée américaine face à une armée moderne, suréquipée et surentrainée", décrit Jean-Michel Steg, auteur de "La Fayette, nous voici ! Les marines américains à l'assaut du Bois Belleau, 6 juin 1918". "L'armée américaine a su surmonter ses faiblesses et maintenir son offensive jusqu'à épuiser les Allemands. Cela va avoir une importance fondamentale sur la suite du conflit. C'est la démonstration, aux yeux de l'armée allemande, que les Américains étaient déterminés à se battre, et ce quel que soit le niveau de leurs pertes."

Ennemis d'hier, alliés d'aujourd'hui

Les Américains sont venus en nombre pour honorer la mémoire de leurs soldats, mais des Français ont aussi tenu à assister à ce Memorial Day. Gabriel Pierru, un retraité qui a connu enfant la Seconde Guerre mondiale, est venu d'une commune voisine: "Nous n'oublions pas que les soldats américains qui reposent ici et ailleurs sont morts car ils ont combattu pour nous". Un avis que partage Laurent Caherec, qui a fait le voyage depuis Laon avec ses deux garçons. Pour cet ancien militaire, il est important de transmettre le message à la nouvelle génération : "Nous devons faire ce devoir de mémoire pour ces gens qui sont venus nous défendre. Il n'y a plus de vétérans de la Première Guerre mondiale encore en vie, il faut continuer à les faire vivre."

Américains, Français et même Allemands, représentés par des soldats de l'armée de terre allemande, étaient tous présents pour ce centenaire. Ennemis d'hier, alliés d'aujourd'hui, ils ont commémoré ensemble ce souvenir, comme l'a résumé si justement le général Carsten Jacobson, chef d'état-major de l'armée de terre allemande. "Les cimetières militaires ne nous rappellent pas seulement la souffrance et le malheur du passé, ils nous exhortent, nous les vivants, rassemblés devant ces tombes, à tout faire pour empêcher de nouvelles violences et de nouvelles guerres."