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Stéphane Hessel, défenseur des droits de l'Homme depuis 60 ans

Stéphane Hessel a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'Homme en 1948. Six décennies plus tard, il défend l'universalité de ce texte, épingle la question migratoire et la situation des Palestiniens.


FRANCE 24 : Quels progrès ont été faits depuis 60 ans ?

Stéphane HESSEL : Il y a eu beaucoup de progrès. Il ne faut pas le nier. Dans le courant de ces 60 dernières années, nous avons réussi la décolonisation des grands empires occidentaux, formidable progrès qui donne la liberté et l'indépendance à un nombre considérable de peuples. Ils ont maintenant la tâche de travailler à leur propre démocratisation. Il y a eu la fin de l'apartheid, il y a eu la fin du stalinisme. Mais tout reste encore à faire si nous voulons passer le cap des discours, comme celui que je tiens depuis un certain temps, et qui ne sert qu'à donner mauvaise conscience. Il faut passer à l'action.

Nous avons des pays où tout est terriblement bloqué. Je parle une fois de plus de nos amis palestiniens. Personne ne dit tout ce qu'il y a lieu de reprocher à leur grand voisin israélien. Tout le monde se tait, par peur de passer pour antisémite. C'est une timidité qu'il faut vaincre. Il nous faut être aux côtés des Israéliens intelligents qui veulent la paix et qui sont en minorité. Et aux côtés des Palestiniens qui souffrent et qui veulent arriver à une négociation amicale avec Israël.

Dans les pays démocratiques, le respect des droits civils et politiques ne pose plus tellement problème. C’est pour les droits économiques, sociaux, culturels, qu’il y a toujours des retards. Concernant le traitement de l'immigration, par exemple. C'est un des problèmes qui est déjà lourd, mais qui le sera plus encore à la suite de tout ce qui nous arrive ces derniers temps - sur le plan du changement climatique. On va avoir des mouvements migratoires considérables. Et jusqu'ici les pays, et notamment le mien, n'ont pas su apporter à ceux qui cherchent à émigrer dans des pays plus riches, l'accueil qu'ils mériteraient.

FRANCE 24 : En France, où en est-on avec le respect des droits de l’Homme ?

Stéphane HESSEL : La France n'a pas respecté comme elle aurait dû un certain nombre de valeurs et de droits qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Notamment les articles 13, 14 et 15, qui concernent le traitement des immigrés. Je suis très fâché contre mon gouvernement actuel. La façon dont il traite le droit d'asile et les sans-papiers me révulse. Et je pense qu'il faut que nous soyons nombreux à protester contre ces formes de violations de droits élémentaires.

FRANCE 24 : La Déclaration universelle des droits de l’Homme est-elle si universelle qu’elle prétend l’être ? N’est-elle pas d’abord une vision occidentale du monde ?

Stéphane HESSEL : La Déclaration n'a absolument rien d'occidental. Elle a été rédigée certes par des Occidentaux, mais pas seulement. Par des Orientaux, des gens de l'Est et des gens du Sud. Par des Chinois et des Indiens. C'est vous dire que qualifier cette déclaration d'occidentale, c'est ne rien comprendre à l'effort qui a été fait entre 1945 et 1948 pour rédiger un texte qui ne choque aucune religion, qui ne choque aucune culture, qui est au contraire ouverte à celle de tous les pays. Et l'adjectif "universel", qui est tellement important, lui a été donné à juste titre. Le nier ne peut venir que de gouvernements, jamais de peuples. Ces gouvernements ont peur que leurs citoyens leur réclament des choses qu'ils n'ont pas envie de leur donner.