Le projet de loi controversé sur l'asile et l'immigration de Gérard Collomb, qui compte environ 1 000 amendements, mettra la majorité à rude épreuve pendant une semaine à l'Assemblée. Mais que prévoit le texte exactement ? Revue de détails.
Les échanges s'annoncent houleux à l'Assemblée nationale, où débute lundi 16 avril les discussions sur le projet de loi asile et immigration. Illustration de ces tensions : la porte du Palais Bourbon a été taguée dans le week-end de l'inscription "accueil de merde". Cinq personnes ont été interpellées.
Plus d'un millier d'amendements sont au menu, dont 200 des députés La République en marche, un record. Le texte porté par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb veut réduire les délais des procédures d'asile, "renforcer" la lutte contre l'immigration irrégulière et "sécuriser le droit au séjour" des étrangers en situation régulière.
- Asile, accueil
La ligne directrice est de réduire à six mois – contre onze environ – le délai d'instruction de la demande, recours compris. Cela implique :
- Une réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d'asile après l'entrée en France. Au-delà, le dossier sera traité, mais pourra l'être "en procédure accélérée".
- Une notification de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) "par tout moyen", notamment électronique, et pas seulement par courrier. Toutefois, l'administration devra s'assurer de la réception des courriers, aux termes d'un amendement adopté en commission.
- Une réduction d'un mois à quinze jours du délai de recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et développement des audiences par vidéo (à distance). Là aussi, une exigence de "qualité" de la liaison et la présence d'un traducteur si nécessaire ont été introduites.
- Un éloignement facilité pour certaines catégories de déboutés (ressortissants de pays d'origine sûre, réexamens...). L'éloignement peut avoir lieu avant le recours, sauf si le demandeur saisit le tribunal administratif.
- Un échange d'informations entre l'hébergement d'urgence et l'Office français d'immigration et d'intégration pour les demandeurs d'asile et les réfugiés.
- Un titre de séjour de quatre ans, au lieu d'un an, pour les réfugiés "subsidiaires" (une extension du statut de réfugié) et apatrides.
- Un renforcement de la protection des jeunes filles exposées à un risque de mutilation sexuelle, étendue aux jeunes hommes en commission des lois.
- Un pays persécutant les homosexuels ne peut être considéré comme "sûr".
- Pour les mineurs, extension de la réunification familiale aux frères et sœurs.
- Possibilité de mise à l'abri pour les étrangers "n'ayant pas encore pu enregistrer" leur demande d'asile.
- Lutte contre l'immigration irrégulière
Le projet de loi indique :
- Une augmentation de la durée maximale de la rétention administrative, portée de 45 à 90 jours (et non plus 135 jours, comme le voulait le gouvernement) : 30 + 30 + deux fois 15 jours en cas d'obstruction à l'éloignement.
- Une augmentation de 16 à 24 heures de la durée de la retenue administrative pour vérifier le droit au séjour, et renforcement des pouvoirs d'investigation.
- Un renforcement du régime de l'assignation à résidence pendant trois heures de suite en cas de menace à l'ordre public.
- Une possibilité d'accorder l'aide au retour volontaire à un étranger placé en rétention.
- Une extension de la vidéo-audience pour le juge des libertés et le tribunal administratif.
- Les députés ont raboté en commission une loi facilitant le placement en rétention des "dublinés" (déjà enregistrés dans un autre pays européen), pour ramener à 15 jours (au lieu de 7) le délai de recours et encadrer les motifs de rétention.
- Séjour
Le texte prévoit :
- Une extension du "passeport talent" à de nouvelles catégories.
- Une installation facilitée des étudiants chercheurs.
- Des dispositions protectrices sur le droit au séjour des victimes de violences conjugales.
Au total, plus d'un millier d'amendements sont au menu jusqu'à vendredi, dont 200 de députés LREM, un record. Le texte de Gérard Collomb fait l'objet d'intenses débats jusqu'au sein de La République en marche et le parti risque d'être mis à mal durant cette semaines de débats. Le député LREM Mathieu Orphelin a annoncé, vendredi, qu'il ne voterait pas le projet de loi, tout en démentant mener un "début de fronde".
Malgré les efforts de pédagogie déployés depuis plusieurs mois par le ministre de l'Intérieur, incarnant la "ligne dure" de l'exécutif, le texte est critiqué par des acteurs de l'asile et les associations. Parmi les mesures les plus critiquées : l'allongement de la durée maximale de rétention pour les étrangers en attente d'expulsion et la réduction du délai d'appel, notamment pour les déboutés.
Autre point sensible : les divers amendements prévoyant d'ouvrir le marché du travail aux demandeurs d'asile, dans le sillage du rapport d'Aurélien Taché (LREM) préconisant un délai de six mois après le dépôt de la demande (contre neuf actuellement), et également la réécriture du "délit de solidarité" pour certaines personnes venant en aide aux migrants.
La France a enregistré plus de 100 000 demandes d'asile en 2017, soit une hausse de 17,5 % par rapport à 2016. L'Assemblée se prononcera à l'issue des échanges sur l'ensemble du texte, sans vote solennel en raison de la pause de deux semaines qui s'ensuit dans les travaux parlementaires.
Avec AFP et Reuters