Emmanuel Macron a présenté mardi à Agen une vaste réforme pénale destinée à lutter contre la surpopulation carcérale et à redonner du sens à la peine. Il a dit vouloir proposer une troisième voie, entre "laxisme" et "répression".
Emmanuel Macron a annoncé, mardi 6 mars, une profonde réforme du système carcéral, qui proscrira les peines de prison courtes, mais assurera l'application effective de celles de plus d'un an, tout en multipliant les alternatives en milieu ouvert.
Le chef de l'État a expliqué à Agen qu'il proposait une troisième voie entre "laxisme" et "répression", en dénonçant des prisons qui "déshumanisent" et sont des "écoles du crime". "Entre les laxistes qui voudraient que personne ne soit puni et les vrais durs qui seraient pour emprisonner les gens quelles que soient les mauvaises conditions, je ne crois à aucune de ces options car cette vision manichéenne dispense d'une vraie réflexion sur le contenu moral et politique que nous devons donner au sens de la peine", a-t-il déclaré.
Lors d'un discours devant les élèves de l'École nationale d'administration pénitentiaire, il a notamment annoncé que les peines de prison de moins d'un mois seront interdites et les peines de un à six mois pourront être effectuées en milieu ouvert. Le juge devra dûment motiver sa décision s'il décide malgré tout un emprisonnement.
Les peines inférieures ou égales à 1 mois seront proscrites parce qu’elles ne servent à rien. Elles ne permettent aucun contrôle, aucun suivi. Nous voulons une justice efficace.
Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 6 mars 2018Plusieurs délits (routiers, usage de drogue) seront forfaitisés : des amendes ou autres sanctions remplaceront la prison. Seront aussi créées de nouvelles peines autonomes, comme le bracelet électronique à domicile.
Le président compte aussi développer à grande échelle les travaux d'intérêt général, pour lesquels il veut mobiliser les entreprises, les collectivités et l'État.
Cela permettra, selon lui, de "sortir de prison plusieurs milliers de personnes, dont toutes les petites peines" avec "beaucoup moins d'emprisonnement à moins de six mois".
Résoudre la surpopulation carcérale
En revanche, Emmanuel Macron veut qu'une peine de prison de plus de un an soit effectivement et aussitôt exécutée.
Ainsi, l'aménagement systématique des peines de moins de un an sera supprimé et laissé à l'appréciation du juge qui prononce la peine, au cas par cas. Mais cela responsabilisera les juges qui limiteront les décisions d'emprisonnement, estime-t-il.
L'objectif du chef de l'État est à la fois de résoudre la surpopulation carcérale mais aussi de redonner du sens aux peines prononcées, souvent modifiées en un second temps par les juges d'application des peines.
Il a aussi annoncé le renforcement des services de probation et d'insertion, qui seront dotés de 1 500 postes supplémentaires.
La France, l'un des pires élèves d'Europe
Avec un taux d'occupation de 200 % en région parisienne et de 120 % au niveau national, la France figure parmi les pires élèves d'Europe. Au 1er janvier 2018, 68 974 détenus s'entassaient dans 59 765 places.
Les alternatives à la prison existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550 000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52 % de peines de prisons (dont 19 % ferme) et 11 % de peines alternatives dont moins de 3 % de travaux d'intérêt général.
En revanche, Emmanuel Macron est revenu sur sa promesse de créer 15 000 places de prison, alors que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour sa surpopulation carcérale. "Le président ne souhaite pas de 'fétichisme' sur le nombre de 15 000 places", dit-on dans son entourage qui précise que "compte tenu des contraintes qui pèsent sur la construction d'établissements pénitentiaires, il apparaît possible de construire 7 000 places sur le quinquennat".
Avec AFP