La Transnistrie, petite république séparatiste de la Moldavie, est un confetti à l'extrême est de l'Europe, né des cendres de l'URSS. Cet État fantoche qui a déclaré son indépendance il y a près de trente ans, en 1991, n'est toujours pas reconnu par un membre des Nations unies, ni même par le "grand frère" russe. Nos reporters s'y sont rendus.
En Transnistrie, c’est un peu comme si le temps s’était figé à l’époque soviétique. Cette étroite bande de terre coincée entre l’Ukraine et la République de Moldavie, dont elle fait officiellement partie, est peuplée d’une majorité de russophones et d’une minorité de roumanophones. Lorsque l’URSS se disloque, en décembre 1991, la Transnistrie déclare son indépendance. S'ensuit un conflit entre les forces moldaves et transnistriennes, soutenues par l'armée russe. La guerre prend fin en 1992 avec un cessez-le-feu signé à Moscou. Il est alors question que la Moldavie attribue un "statut spécial" à la Transnistrie, mais après 25 ans de discussions, aucune solution concrète n’a émergé. Doté de son propre gouvernement, d'une armée et d'une monnaie, le territoire vit une "indépendance" de fait, à défaut d’être reconnu par la communauté internationale. Même la Russie, son alliée de toujours, ne reconnaît pas l’État de Transnistrie, qu’elle considère comme un avant-poste aux marges de l'Occident.
Ce territoire n’est pas pour autant une enclave complètement fermée : marchandises et habitants circulent. Sur les 500 000 ressortissants que compte la province séparatiste, au moins 150 000 vivraient à l’étranger, jonglant avec leurs passeports russes et moldaves, sans compter celui, non reconnu, de la Transnistrie.
Les autorités sécessionnistes jurent essentiellement par la Russie. Le géant voisin contribue notamment au paiement des retraites et offre quasiment le gaz, tout en maintenant sur place un contingent d’environ 1 500 soldats, dont 400 sont affectés à une mission de maintien de la paix - le reste étant chargé de protéger un dépôt de munitions datant de l'URSS. Une majorité de la population aspire à être rattachée à la Fédération de Russie, ce que le dernier référendum, organisé en 2006, a confirmé sans équivoque. Mais les liens avec la Moldavie toute proche sont pourtant bien réels, qu’ils s’expriment à travers par le foot – les équipes de Transnistrie sont intégrées au championnat moldave – ou par l’économie.
Car désormais, plus de 65 % des exportations du territoire indépendantiste partent vers l’UE. Outre la crise russe, cette tendance a été renforcée par la signature en 2014 d’un accord de libre-échange entre les Européens et la Moldavie qui comprend un chapitre sur la Transnistrie.
Tiraspol semble maintenir son cap de l’indépendance et continue de demander plus de reconnaissance internationale. Mais à Chisinau, la capitale moldave, Gheorghe Balan, le vice-Premier ministre pour la réintégration, table lui sur une réunification d’ici une dizaine d’années.
Les discussions, au point mort ces dernières années, ont repris fin 2017. Quelques accords ont été signés entre la Transnistrie et la Moldavie sur des questions sensibles : terres agricoles disputées, école en langue roumaine, réouverture d’un pont, reconnaissance des diplômes… Mais sur le terrain, le véritable règlement du conflit semble encore loin.