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On a assisté à la première intervention chirurgicale en réalité mixte

La première opération chirurgicale avec un casque de réalité mixte a été réalisée à l'hôpital Avicenne, à Bobigny. Nous y étions pour observer, les yeux ébahis, une épaule holographique se promener au-dessus de la table d'opération.

J’ai réussi à ne pas tomber dans les vapes à la vue d’une épaule ouverte et sanguinolente. C’est déjà un exploit. Mais le héros du jour, c’était sans aucun doute le Dr Thomas Grégory, chirurgien orthopédiste à l’hôpital d’Avicenne, à Bobigny, qui a réussi à installer une prothèse tout en tripotant des hologrammes avec son index. Bravo doc.

Nous avions rendez-vous à 16h, le mardi 5 décembre, dans une salle de presse installée à quelques mètres des blocs opératoires. Naïvement, je pensais qu’on nous ferait asseoir dans un petit espace surplombant le bloc, avec une vitre en verre qui nous permettrait de voir directement le médecin trifouiller le corps de son patient.

Mais non, on n’était pas dans le Seattle Grace Hospital de "Grey’s Anatomy". On était à Bobigny, sous le ciel gris de Seine-Saint-Denis, dans l’hôpital Avicenne, l’un des 37 AP-HP de la région parisienne. Il allait y avoir du sang.

Bienvenue dans la chirurgie du futur

L’affaire était prévue de longue date. Depuis plusieurs semaines, le chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’hôpital, spécialisé dans les chirurgies de la main et des membres supérieurs, se préparait à réaliser cette première intervention à l’aide du casque de réalité mixte HoloLens.

Physiquement, HoloLens est un casque d’environ 800 grammes développé par Microsoft. Une grosse paire de lunettes qu'on s'enfonce sur la tête. Mais en réalité, c’est un petit ordinateur qui fonctionne de manière autonome. Il ne nécessite aucun câble ou aucune connexion filaire pour fonctionner. Les informations, les données utilisées par le casque sont stockées dans le cloud de Microsoft Azure.

Mais le cœur logistique de cette opération reposait surtout sur le travail de deux entreprises : TeraRecon et Vizua. Cette dernière a permis la visualisation en 3D de l’imagerie médicale, tandis que TeraRecon fournissait HoloPortal, un logiciel dédié à l’utilisation médicale de la puissance d’HoloLens. Un combo qui s’est avéré gagnant.

Un squelette virtuel volant

Il est 16h10 quand Thomas Grégory prend la parole depuis le bloc. "Je peux voir ce qui est autour de moi, mais j’aperçois aussi les hologrammes", explique-t-il en guise d’introduction, casque de réalité mixte vissée sur la tête. Il n’arrête pas de se tripoter les mains, sans doute un peu stressé par ce qu’il s’apprête à réaliser.

Puis on aperçoit enfin le Graal de la journée : l’hologramme du squelette de l’épaule du patient. Ce n’est pas une modélisation 3D aléatoire, mais bien celle de l’homme sur la table d’opération. L’ensemble de ses caractéristiques physiques, de ses données médicales et une partie de son exosquelette, préalablement scanné, est à la portée du docteur Grégory.

Le squelette de l’épaule est saisissant de réalisme. En revanche, on sent à certains moments le manque de précision d’HoloLens. Il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour faire tourner l’hologramme, l’éloigner ou l’approcher. À côté du squelette, on voit une fenêtre semblable à celle d’une application pour mobile. On peut reset la simulation, la position, changer l’os qu’on a sous les yeux. Tout en manipulant les différents hologrammes, Thomas Gregory discute avec quatre confrères installés dans leurs bureaux à l’autre bout du monde (Corée du Sud, États-Unis, Angleterre) les tenants et les aboutissants de son opération.

La visée pédagogique de la réalité mixte en chirurgie, tant pour des étudiants en chirurgie que pour le patient, qui peut ainsi visualiser ce qui cloche et ce qui doit être fait pour sa santé, est un des principaux atouts de l’HoloPortal. Mais c’est aussi un avantage pour le médecin qui, outre la possibilité de visualiser toutes les données du patient, peut également réaliser "pour de faux" son opération. C'est-à-dire que celui-ci pouvait visualiser ses outils chirurgicaux s'insérer virtuellement dans l'hologramme de l'épaule. Pour les jeunes praticiens ou pour les internes en chirurgie, c'est une avancée majeure. La pose d'une prothèse à cet endroit n'est pas un excercice compliqué pour un chirurgien et l'opération ne dure qu'une quarantaine de minutes. Mais le manque de visibilité peut poser problème, puisque l'épaule est gorgée de sang et étroite. C'est donc en particulier la visibilité qui sert au chirurgien.

Ainsi, le médecin a pu accéder aux rapports chirurgicaux, visualiser son opération en hologramme avant de la réaliser, avoir accès aux bilans biologiques numérisés et aux scanners ou aux IRM. Tout ça dans le bloc, tout ça avec des lunettes sur la tête. Pour le moment, ce type d'opération assisté par un casque ne va pas devenir monnaie courante. Mais l'intérêt pédagogique pourrait pousser d'autres chirurgiens à se munir de ce type d'outil, comme c'est déjà le cas en Australie par exemple. La prochaine étape ? L'arrivée des robots chirurgiens. Mais ce n'est pas pour demain.

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