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Japon : le tueur en série trouvait ses victimes sur Twitter

Takahiro Shiraishi est soupçonné d’avoir ciblé des Japonais aux tendances suicidaires sur Twitter. Les neuf meurtres qui lui sont imputés ont relancé le débat sur le lien au Japon entre réseaux sociaux et suicide des jeunes.

Twitter se retrouve au cœur d’une affaire de tueur en série au Japon. “C’est très décevant et extrêmement triste”, a réagi Jack Dorsey, le PDG du réseau social, lors d’une visite dans l’archipel asiatique, mercredi 15 novembre.

Depuis le début du mois, le pays est secoué par les découvertes au domicile de Takahiro Shiraishi, un Japonais soupçonné du meurtre de neuf personnes avec qui il était en contact sur Twitter.

Huit femmes dont la plus jeune avait 15 ans

Cet homme, sans emploi, aurait activement cherché à attirer des Japonais dont les messages sur Twitter indiquaient des tendances suicidaires, ont affirmé les enquêteurs. Il a ouvert un compte en septembre, @hangingpro, où Takahiro Shiraishi proposait d’apporter de l’aide “à tous ceux qui souffrent”. Il proposait aux internautes en détresse de le contacter par message privé “à tout moment” et avait promis à certaines de ses victimes de se suicider avec elles.

Takahiro Shiraishi a tué et démembré huit femmes, dont la plus jeune avait 15 ans. Sa dernière victime était le petit ami de l’une d’elle. Il gardait des parties des corps recouvertes de litière de chat pour contenir l’odeur dans des glacières qui ont été découvertes par la police lors des fouilles de son appartement.

Les enquêteurs ont remonté la piste de Takahiro Shiraishi après avoir été alerté de la disparition d’une des victimes. Ils ont alors trouvé les traces d’échanges sur Twitter. Ils ont convaincu une femme de servir d’appât en se faisant passer sur Twitter pour une candidate au suicide.

Au-delà de l’horreur des crimes, cette affaire touche une corde très sensible dans l’archipel. Le Japon détient, en effet, le taux de suicide le plus élevé des pays du G7 et le gouvernement a fait de ce problème l’une de ses priorités nationales.

Effacer les messages suicidaires sur Twitter ?

Les jeunes adultes constituent la population la plus à risque, d’après les autorités qui dénoncent depuis longtemps l’influence que l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux pouvaient avoir sur les comportements suicidaires. Plusieurs programmes ont été mis en place depuis 2005, lorsque la vague de suicides collectifs organisés sur Internet avait atteint son paroxysme avec 91 personnes qui s’étaient ôtées la vie de cette façon en un an.

Le “Tueur de Twitter” – comme l’ont surnommé les médias locaux – a remis la question du rôle des réseaux sociaux dans ces tragédies sur le devant de la scène. Le gouvernement a indiqué, le 10 novembre, qu’il réfléchissait à des moyens pour sévir contre les “sites qui font la promotion du suicide” et pour obtenir des plateformes comme Twitter une plus grande coopération dans les luttes contre les messages suicidaires.

En réponse, Jack Dorsey a reconnu qu’il fallait tout faire “pour que notre outil [Twitter] soit utilisé de manière positive et saine”. En revanche, il a mis en garde contre la tentation de demander à la plateforme de modérer tous les messages suicidaires “ce qui serait impossible”.

Il n’en reste pas moins que le 3 novembre, Twitter à mis à jour les règles de conduite pour tous sur son site pour y inclure une interdiction de faire la promotion du suicide. Mais, cet ajout n’aurait rien à voir avec l’affaire du “Tueur de Twitter”, affirme le réseau social.

Certains experts pensent même que restreindre sur Twitter la parole des jeunes rongés par des pensées suicidaires se révèlerait, en fait, contreproductif au Japon. Les victimes du tueur en série “ont probablement pensé qu’il était la seule personne capable de sincèrement écouter leurs problèmes”, a affirmé Akiki Mura, une responsable du centre de prévention du suicide de Tokyo du réseau international Befrienders Worldwide. Le meurtrier a profité du fait que parler du suicide “est encore largement tabou au Japon”, ajoute cette spécialiste. Pour elle, restreindre encore davantage les possibilités pour ces jeunes d’exprimer leur mal-être “risque seulement d’entraîner une augmentation du nombre de suicides”.