Après Harvey, qui a fait des dégâts historiques dans le sud des États-Unis, c'est au tour de l'ouragan Irma de frapper le pays. Des catastrophes climatiques de plus en plus intenses qui pourraient influencer le jeu politique à Washington.
Retrait de l’accord de Paris, nomination d’un climatosceptique à la tête de l’agence de l’environnement ou encore coupes drastiques dans les budgets scientifiques : en sept mois au pouvoir, Donald Trump a déjà largement illustré ses tendances anti-écolo. Hermétique aux arguments scientifiques selon lesquels le changement climatique va intensifier les catastrophes naturelles, le président américain pourrait être forcé de revoir sa copie après les passages dévastateurs des ouragans Harvey, au Texas, et Irma, en Floride.
"Les assauts sans pitié d’Harvey et Irma sur le sol américain devraient obliger Donald Trump à reconnaître les conséquences de son arrogance et sa complaisance à rejeter les recherches scientifiques", note Bob Ward, directeur de la communication de l’Institut Grantham à la prestigieuse London School of Economics. "Il est clair que les vies et le quotidien de millions d'Américains sont en danger si Trump et son administration continuent de nier le changement climatique et ses impacts sur les ouragans", ajoute-t-il dans un éditorial publié le 10 septembre par le quotidien The Guardian.
Ancrage profond des climatosceptiques en Floride
Difficile, toutefois, d’imaginer le locataire de la Maison Blanche changer son fusil d'épaule du jour au lendemain. Le mois dernier, quelques jours avant qu'Harvey ne prenne forme dans l'Atlantique, Donald Trump a discrètement signé un décret pour abroger une mesure de son prédécesseur Barack Obama, visant à aider les communautés et les entreprises américaines à devenir plus résilientes face aux inondations de plus en plus fréquentes.
En Floride comme au Texas – traditionnelles terres républicaines –, la sphère politique a plutôt tendance à abonder dans le sens des climatosceptiques. À commencer par le gouverneur de Floride, Rick Scott, qui affiche depuis nombre d’années déjà son déni du réchauffement climatique. Selon la presse américaine, il aurait même interdit aux employés du Département de protection environnementale de Floride d’utiliser le terme. Rick Scott est loin d’être le seul climatosceptique à la tête de l'État : son prédécesseur, Jeb Bush, ne s’en cache pas non plus, tout comme le sénateur de l’État Marco Rubio et le président de la Chambre des représentants en Floride, Richard Corcoran.
La Floride faisant à chaque élection partie des États clés, les fameux "swing states", on imagine mal Donald Trump se mettre en désaccord avec ces influents décideurs politiques aux positions bien arrêtées. D’autant plus que le dénigrement du réchauffement climatique figurait parmi les grands thèmes de campagne du candidat républicain, lui qui a publiquement qualifié le phénomène de "canular créé par la Chine pour affaiblir l’industrie américaine". Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris faisait également partie des grandes promesses électorales de Donald Trump.
"Jouer de cette distraction climatique" pour marquer des points au Congrès
Cependant, s’il est peu probable qu’il fasse volte-face de lui-même, le président pourrait mettre de l’eau dans son vin si la société civile mettait la pression sur certains responsables locaux, selon Soufian Alsabbagh, politologue spécialiste des républicains. "Le sud-est des États-Unis est riche en États dits 'rouges', c’est-à-dire qu’ils votent traditionnellement républicain. Peut-être que dans l’électorat de ces États qui sont touchés actuellement par les catastrophes, on va voir des revirements d’opinion. Et c’est ça qui pourrait faire changer Donald Trump", croit-il, ajoutant que les prochaines semaines seront, pour le président américain, un véritable "calcul politique" en vue des élections de mi-mandat, les "midterms", de 2018 et de la présidentielle de 2020.
Le politologue estime, en effet, que Donald Trump pourrait "jouer de cette distraction climatique" que sont les ouragans pour tenter de marquer des points précieux au Congrès. "Si on regarde la présidence de Trump et notamment sa relation avec le Congrès, on peut dire qu'il n'a strictement rien réussi législativement. [L’ouragan] Harvey lui a donné, pour la première fois, une victoire législative majeure puisqu’il a réussi à s’entendre avec les démocrates pour augmenter le plafond de la dette et faire passer le package d’aide pour les victimes d’Harvey", souligne Soufian Alsabbagh.
Selon lui, Donald Trump peut bénéficier de ces événements climatiques pour "scinder le Parti républicain au Congrès" et ainsi dégager une frange républicaine moins radicale qui irait chercher les électeurs modérés perdus ces derniers mois. Le président pourrait aussi "s’appuyer sur quelques démocrates et montrer qu’il est capable de faire passer des lois, ce qui est absolument vital", pointe Soufian Alsabbagh.
Et si les Rick Scott, Jeb Bush, Marco Rubio et autre Richard Corcoran risquent fort de camper sur leurs positions climatosceptiques, ce n’est pas le cas de tous les républicains. Formé en 2016, le Caucus des solutions climatiques (Climate Solutions Caucus) compte 25 républicains, dont trois de Floride. Ils sont, en tout, 50 à faire partie de ce groupe bipartisan de débats et de discussions, dont la seule existence indique un certain appétit pour des échanges construits et honnêtes sur la question du changement climatique.