Le président français, Emmanuel Macron, réunit son gouvernement, lundi, pour un séminaire de rentrée au palais de l’Élysée. Premier objectif : s’assurer d’une communication efficace pour éviter les couacs lors de la rentrée politique.
Emmanuel Macron a subi, en août, une nouvelle chute de popularité. En trois mois, il est passé de 62% d’opinions favorables à 40%, selon un baromètre IFOP-JDD. Il n’a pourtant pas encore franchi l’épreuve de sa première rentrée politique, dont beaucoup d'obstacles s’annoncent plus difficiles que ceux dont il s’est – difficilement – défait cet été.
Pour l'exécutif, "les vraies difficultés arrivent, les vrais risques de rupture avec l'opinion publique se présentent", explique ainsi Gaël Sliman, président de l'institut de sondages Odoxa.
Alors, pour aborder le plus sereinement possible les mois et les réformes à venir, le président français va réunir, lundi 28 août, l'ensemble du gouvernement pour un séminaire de rentrée à l'Elysée. Au programme, bachotage sur les réformes que les ministres doivent mener individuellement jusqu’en 2018, ainsi que les importantes économies à réaliser la même année afin de rester dans les clous des 3% de déficit imposés par le pacte de stabilité européen. Révision, probablement aussi, des éléments de langage qui permettront aux ministres de faire passer ces réformes auprès de l’opinion.
L’entourage d’Emmanuel Macron a donc commencé à distiller ces petites formules. En déplacement en Roumanie, le président En Marche expliquait que "la France n’est pas un pays réformable, c’est un pays qui déteste les réformes, il faut lui proposer de se transformer en profondeur pour lui redonner un vrai leadership européen". Son entourage, cité par Le Monde, en a remis une couche : "[Emmanuel Macron] considère que la France est un pays qu'on ne réforme pas mais pour lequel il y a des moments de rupture brutale, lors desquels on peut transformer profondément les choses. Mais ce sont des moments durs", prévient-on.
"Réforme" contre "transformation"
L’opposition sémantique entre "réforme" d’un côté et "transformation" ou "rupture" de l’autre semble un peu artificielle, mais reflète l’état d’esprit du gouvernement, explique le sociologue Denis Muzet à France 24. "'Réforme' est un terme très connoté et mal en point après les quinquennats de Sarkozy et Hollande, qui n’ont pas réussi à mettre leur action en perspective. Tandis que 'transformation' n’est pas si péjoratif, si l’on prend la peine de faire de la pédagogie et d’expliquer quelle est cette transformation que l’on veut appliquer à la France, afin d’atténuer son aspect anxiogène susceptible d’inquiéter les conservateurs de droite comme de gauche", analyse-t-il.
Tout l’enjeu de cette rentrée, pour Emmanuel Macron, est donc de maîtriser cette explication de texte pour faire passer, auprès de l’opinion, cette "transformation" qu’il appelle de ses vœux. Pour ce faire, comme l’a expliqué le Monde, le président s’apprête à infléchir sa stratégie de communication. Il "estime que la phase de raréfaction de sa parole est terminée" et compte s’adresser aux Français plus directement, peut-être jusqu’à deux fois par mois. "La rentrée est un moment politique où le président est légitime pour parler. Il y a des choses à dire pour donner sa vision et fixer le cap et les échéances des réformes à venir", explique son entourage au Monde.
Soucieux de ne pas tomber dans les mêmes travers que le socialiste, le président En Marche a pourtant enchaîné les déconvenues estivales. Son image a pâti de la polémique quant à la diminution du budget de la Défense et de l’affrontement qui s’en est suivi avec celui qui était alors chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, à qui Macron a demandé de démissionner pour se donner une image de fermeté.
L’annonce de la baisse des aides au logement, les fameuses APL, à hauteur de cinq euros par mois, n’a pas non plus aidé. Les ministres ont affirmé qu’il ne s’agissait "que" de cinq euros tandis que les membres d’associations de lutte contre l’exclusion démontraient que, pour le budget d’une famille vivant sous le seuil de pauvreté, cinq euros pouvaient faire une grande différence. Le coup de grâce est venu du député de la France Insoumise, Alexis Corbière, lorsqu’il a étalé en plein hémicycle de l’Assemblée nationale, toute la nourriture qu’il avait pu acheter avec cette somme.
Baisse des #APL de 5 euros : après la "mise en scène" d'@AlexisCorbiere, des députés crient "au populisme" et à la "démagogie" #DirectAN pic.twitter.com/xFJZfNsIAs
LCP (@LCP) 26 juillet 2017"Coup d'État social"
Les mois qui viennent pourraient être encore plus mouvementés, en commençant par la présentation, le 31 août, des ordonnances de réforme du droit du travail. Le personnel politique est partagé : Jean-Luc Mélenchon a appelé, depuis Marseille, à défiler le 23 septembre contre le "coup d’État social" d’Emmanuel Macron, tandis que la maire de Paris, Anne Hidalgo a appelé à lui laisser "le temps" et estimé qu'il "est trop tôt pour tirer des bilans". Les organisations syndicales Solidaires et CGT ont, quant à elles, d’ores et déjà indiqué leur intention de manifester, respectivement le 30 août et le 12 septembre, mais d’autres pourraient se joindre au mouvement si les ordonnances s’avéraient trop brutales.
D’autant que l'exécutif présentera fin septembre les projets de budgets de l'État et de la Sécurité sociale, dans lesquels il prévoit de réaliser une vingtaine de milliards d'euros d'économies. Un chantier à risque, pour lequel il faudra d’autant plus de pédagogie – voire de diplomatie – gouvernementale.