On la surnomme déjà la "Fontgate". Au Pakistan, l'affaire qui plonge le Premier ministre et sa famille, accusés de corruption depuis les révélations du Panama Papers, pourrait prendre une nouvelle tournure grâce à la police d'écriture Calibri.
Dans une affaire de corruption, les pièces à conviction prennent généralement la forme d’un document au contenu compromettant, d’un enregistrement audio ou encore d’un mouvement bancaire douteux. Dans celle qui ébranle actuellement le Pakistan et fragilise son Premier ministre, la pièce à conviction principale est une police d’écriture Microsoft.
En 2016, le nom du Premier ministre pakistanais Hussain Nawaz Sharif fait surface dans des documents fuités issus du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, les fameux Panama Papers. Début juillet, une enquête finit par établir un lien entre les sociétés offshore de Nawaz Sharif et les immeubles que possèderait sa fille, Maryam Nawaz Sharif, à Londres. Il est alors clairement établi que l’un des deux immeubles est détenu par Nescoll, une société dont le siège social se trouve aux îles vierges britanniques et dont l’unique actionnaire n’est autre que… la fille du Premier ministre.
Le document a été tapé en Calibri, une police apparue sous Windows qu’en 2007
En à peine 60 jours d’investigation, temps limite imparti, les enquêteurs sont parvenus à fournir "quatre preuves documentées", d’après le quotidien The News, démontrant que la famille Nawaz Sharif a produit de faux documents pour assurer sa défense. L’un d’eux, daté de 2006, est signé Maryam Nawaz Sharif et prétend énoncer en toute transparence les liens de cette dernière avec l’entreprise. Mais une lourde incohérence plane : le document a été tapé en Calibri, une police apparue sous Windows qu’en 2007.
2nd trust deed:
I am a trustee & NOT the owner. Proof attached. #TheTruth pic.twitter.com/ATfonbEw8Y
— Maryam Nawaz Sharif (@MaryamNSharif) 15 novembre 2016
Après l'envoi du document à un laboratoire pour examen, les experts concluent bien que "Calibri ne fut pas commercialement disponible avant le 31 janvier 2007. Aucune des déclarations certifiées n’est correctement datée (…). Elles ont été créées plus tard." En réalité, les choses se compliquent lorsque l’on tente de trouver une date de naissance précise à Calibri, un point sur lequel la famille Nawaz Sharif entend bien jouer.
Oh. My. God. pic.twitter.com/LC5w13f9RX
— Zarrar Khuhro (@ZarrarKhuhro) 10 juillet 2017
L'historique de Calibri modifié sur le Web ?
Car Calibri existait bien avant 2007. La fille du Premier ministre a d’ailleurs tenté de le démontrer à renfort d’article trouvé sur Quora. Capture d’écran à l’appui, elle clame que Calibri était disponible dès 2004 sous une version bêta de Windows. De leur côté, les concepteurs de Calibri, de la société LucasFonts, ont bien évidemment été interrogés : ils affirment que la police a bien été livrée à Microsoft en 2004, et que les premières bêta publiques l’incluant remontent à 2006. Toutefois, il leur semble "peu probable que quelqu’un ait copié les polices d’un environnement bêta pour les utiliser dans des documents officiels", rapporte le quotidien pakistanais Dawn.
Entre temps, la page Wikipedia de Calibri aurait été modifiée pour faire apparaître l’année 2004 comme date de naissance de la police. À ce jour, elle reste désactivée par les administrateurs de l’encyclopédie libre jusqu’à clarification de l’enquête. Une décision saluée au Pakistan, où l'opposition clame que les personnes ayant cherché à modifier les pages Web relatives à Colibri "tentent de sauver un parti corrompu". Aujourd'hui, une partie de la classe politique appelle haut et fort à la démission du Premier ministre.
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