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Vidéo : L’homme qui voulait couver des œufs est devenu papa poule

Au Palais de Tokyo à Paris, du 29 mars au 20 avril 2017, Abraham Poincheval, artiste performeur, voulait couver des œufs. Il l’a fait. Récit et rencontre avec cet artiste un peu décalé et devenu forcément un peu Dada poule.

L'œuf ou la poule… À partir de maintenant, on pourrait ne plus se poser la question tout à fait de la même façon. Car l'artiste performeur Abraham Poincheval est malicieusement venu s’interposer dans le circuit.

L’homme qui voulait couver des œufs l'a fait pendant une vingtaine de jours (du 29 mars au 19 avril 2017). Il est allé les chercher fécondés dans une entreprise spécialisée, du côté de Brest. Et si éclosion il y avait, les poussins vivraient une jolie vie de poulet dans la ferme parentale.

Projet : devenir un papa poule

Il avait pris ses quartiers au Palais de Tokyo, à Paris, depuis quelques temps, Abraham Poincheval. D’abord en s’enfermant dans un rocher pendant une semaine, pour une performance appelée "Pierre".

Puis le 29 mars, toujours dans le même musée, il s’installait pour une vingtaine de jours, afin de couver des œufs et de mettre au monde des poussins. "Qui couve un œuf a de la chance", c’est avec cet adage coréen qu'Abraham Poincheval recevait France 24 en préparant sa performance.

Bien sûr, le projet pose des questions. Et Poincheval est le premier à s’interroger. Que va-t-il se passer ? Les poussins naîtront-ils ? Après être resté enfermé dans son rocher, l’artiste confiait à France 24 redouter, d’abord cette exposition au public 24 h/24 (12 heures pendant les horaires d'ouverture du musée, et en continu sur le site du Palais de Tokyo). Mais aussi de maintenir un cycle de vie.

L’artiste est tout sauf un coq de basse-cour. Pas du genre à bomber le torse pour écraser l’autre. Ce serait plutôt le genre empathique et surtout qui cherche à questionner son public et à échanger, quand il le peut.

C’est ce qui ressort de ces 20 jours de couvaison. Viennent les spectateurs incrédules qui veulent voir l’"homme qui voulait couver des œufs". Et ceux qui souhaitent entrer en interaction avec lui. La vitre de son vivarium ne facilite pas l’échange, mais il fait de son mieux pour répondre, assis sur sa table de couvaison. D’autres viennent le regarder et reconnaissent être apaisés en étant là. Même le président Hollande, venu visiter l’exposition du photographe JR, fera un détour pour le rencontrer.

Comme à la maternité

Vingt jours se sont écoulés. Abraham avait des vivres, des bocaux, embarqués dans la cale de son habitacle-vivarium.

Vingt jours… Et l’on arrive le 19 avril au Palais de Tokyo, comme on arrive à la maternité, pour célébrer un heureux événement. Pour un peu, on aurait offert des fleurs. Le premier poussin a cassé sa coquille.

L’équipe qui accompagne l’artiste "était fébrile", confie Adèle Blanc, commissaire de la performance auprès de Poincheval. Les sourires des visiteurs, ceux venus là exprès, et les autres, là par hasard et découvrant ravis une vie animale près de cet être humain…

"Il y a de la bienveillance dans cette œuvre"

Bien sûr on se surprend à plaisanter sur un prénom, sur ses nuits de jeune papa poule…

"Il y a de la bienveillance dans cette œuvre", commente une adolescente venue là avec ses parents.

Juste après Pâques, les parents amènent leurs enfants voir un homme qui a couvé "en vrai"… et l’émotion est là. Sourires, yeux béats, regards complices, une certaine joie se lit sur tous les visages des "regardeurs" (comme les appelle l’artiste). Et, presque au-delà du projet artistique, l’équipe s’affaire comme pour savoir comment s’organiser pour la suite avec les autres poussins… En deux jours, neuf poussins sont sortis de leur coquille. Ce qui est une véritable réussite pour toute l’équipe.

Abraham Poincheval l’a fait. Il a couvé. Il a réussi à émouvoir des gens, à les faire parler, à questionner le genre humain, son animalité et sa part d’émotion face à la vie.

D'aucuns réagissant même, taquins : "En fait, ça ne sert à rien, une poule : puisqu’il suffit de se mettre à couver pendant 20 jours pour faire des poussins." Certes. Mais alors qui de la poule, qui de l’œuf ? Sans poule, pas d’œuf. Sans œufs, pas de bienveillance poinchevalesque.