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Les jeunes français d’origine chinoise "veulent simplement être des Français comme les autres"

Jean-Marc Ayrault sera en Chine les n13 et 14 avril. Un déplacement qui intervient trois semaines après la mort d’un ressortissant chinois à Paris qui a ravivé la colère et le malaise des jeunes français d’origine chinoise.

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault s'envolera pour la Chine la semaine prochaine pour y rencontrer son homologue Wang Yi, ainsi que le conseiller d'État Yang Jiechi, véritable patron de la diplomatie chinoise. Ce déplacement de deux jours, jeudi 13 et vendredi 14 avril, intervient dans un contexte sensible, trois semaines après la mort à Paris de Shaoyao Liu, un ressortissant chinois tué le 26 mars, à son domicile, par un tir policier. Sa famille dénonce une bavure, le policier dit avoir agi par légitime défense. Pékin avait alors haussé le ton et exigé de Paris la protection de ses ressortissants.

En France, la mort de Shaoyao Liu a fortement ravivé le sentiment d’insécurité au sein de la communauté chinoise et celui, plus présent encore chez les jeunes français d’origine chinoise, d’être déconsidéré par les autorités françaises.

La première génération de Chinois de France, des migrants du Zhejiang, une province côtière chinoise au sud de Shanghai arrivés dans les années 1970-1980, se faisaient discrets. Souvent sans papiers, maîtrisant mal le français, "ils se considéraient comme étrangers en France", explique Richard Beraha, auteur de "La Chine à Paris", interrogé par l’AFP. Aujourd’hui, leurs enfants, nés en France, éduqués, diplômés, "veulent simplement être des Français comme les autres", explique le journaliste spécialiste de la Chine, Zhang Zhulin, joint par France 24. "Pourquoi une partie de notre société essaie de leur imposer une autre identité ?, s'interroge-t-il, rappellant que "quatre des cinq enfants de Shaoyao Liu sont français".

Présent aux manifestations parisiennes consécutives à la mort de Shaoyao Liu, des manifestations émaillées d’incidents (45 personnes ont été placées en garde à vue), Zhang Zhulin a constaté le très fort malaise de cette deuxième génération de Français d’origine chinoise vis-à-vis de la France. "Ils sont déçus", résume Zhang Zhulin.

Le "tournant" de 2016

La source de cette déception remonte à 2016. En août, Chaolin Zhang, un couturier chinois de 49 ans est attaqué et tué à deux pas de son domicile après une agression mortelle, en banlieue parisienne, à Aubervilliers, première plate-forme d'import-export textile d'Europe où travaillent 10 000 personnes originaires de Chine. Une manifestation massive et inédite s’en suit, un mois plus tard. Des dizaines de milliers de personnes, très majoritairement issues de la communauté chinoise, agitent des drapeaux français. Elles revendiquent une protection et une aide des pouvoirs publics.

"Cette manifestation s’est déroulée dans une ambiance calme, respectueuse. Les manifestants ont même ramassé les ordures, se rappelle Zhang Zhulin. Et puis, il ne s'est rien passé, la situation ne s'est pas améliorée. Même avec une mobilisation d'une telle ampleur, les autorités ne les ont pas entendus". Six mois plus tard, la mort de Shaoyao Liu a constitué "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase",  témoignait à l’AFP, pendant les récentes manifestations, Yehman Chen, 49 ans, "révolté comme tout le monde". "Les Chinois ne demandaient pas d'autre chose que la sécurité, mais ils ont été méprisés par le gouvernement."

Selon Olivier Wang, cofondateur de l'Association des jeunes chinois de France, et conseiller municipal du XIXe arrondissement, où Shaoyao Liu est mort, les événements de 2016 ont constitué "un tournant". "On entend des jeunes qui se sentent mal aimés par la police, pourtant, c'était les jeunes qui étaient là en 2016 pour réclamer plus de policiers, plus de caméras", rappelle-t-il.