En proposant une alliance à Emmanuel Macron mercredi, François Bayrou a préféré donner une chance de succès au centre plutôt que de jouer la carte personnelle, offrant une perspective inédite à sa famille politique.
Longtemps François Bayrou s’est montré méfiant à l’égard d’Emmanuel Macron. Il y a encore quelques mois, il le qualifiait du candidat "des forces de l’argent" et voyait en lui un jeune loup qui venait chasser sur son territoire. Longtemps, aussi, le président du Mouvement démocrate, après 2002, 2007 et 2012, a caressé l’idée d’une quatrième candidature à l’élection présidentielle. Mais en proposant finalement une alliance – aussitôt acceptée – au leader d’En Marche!, mercredi 22 février, François Bayrou a fait le choix de laisser un autre que lui mener son combat, offrant par la même occasion au centre une chance historique d’exister par lui-même.
"Peut-être enfin le projet de dépassement des clivages que j’ai porté depuis quinze ans est-il à portée de la main, a-t-il affirmé lors de sa déclaration devant la presse. Je n’ai pas l’habitude de renier mes rêves et mes objectifs. Je crois que cette alliance peut aider de manière décisive à faire entrer dans la réalité ce qui apparaissait à beaucoup impossible."
Dix ans après la troisième place de François Bayrou à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron apparaît en effet en mesure de réussir là où le maire de Pau avait échoué. Une perspective inédite pour un candidat se revendiquant "et de droite et de gauche".
"Pour la première fois depuis longtemps dans le paysage politique de la France, on entrevoit la possibilité d’une véritable alternance à l’alternance systématique de la droite et de la gauche aux responsabilités de notre pays", estime l’ancien ministre de la Culture de Jacques Chirac, Jean-Jacques Aillagon, entré au MoDem en 2016. C’est le retour du centre non pas comme une force d’appoint pour la droite ou la gauche, mais comme une force autonome ayant un projet réfléchi et une vision spécifique de la vie politique."
"Une décision d’homme d’État qui l’honore"
Au siège du MoDem, mercredi après-midi, si plusieurs militants centristes regrettaient de ne pas voir leur champion se lancer à titre individuel dans la campagne, beaucoup exprimaient leur "fierté de voir un homme politique placer son ego personnel après l'intérêt général".
"C’est une décision d’homme d’État qui l’honore, a jugé l’une de ses fidèles, la députée européenne Marielle de Sarnez. Cela fait quand même quinze ans qu’on se bat contre les clivages et contre la cannibalisation de la vie politique par deux partis. Beaucoup de gens auraient aimé qu’il soit candidat et en même temps, si on arrive à créer, grâce à ce qu’il fait aujourd’hui, une opportunité historique pour bouleverser le jeu politique, on aura fait œuvre utile."
François Bayrou a, lui, parlé d’un "geste d’abnégation" et de "sacrifice" pour décrire son offre d’alliance. "Je suis heureux de pouvoir montrer autrement que par des mots que l’heure exige que nous dépassions nos intérêts personnels et partisans pour construire l’avenir que la France mérite", a-t-il affirmé, soulignant notamment les "périls qui menacent notre pays" en référence à la montée du Front national.
"Ma proposition prouve que ce n’est pas l’intérêt personnel qui compte, a-t-il ajouté, tout en soulignant qu’il "n’est pas fréquent qu’on fasse des propositions politiques de cet ordre".