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Trump élu président : pour une fois, New York s'est endormie

envoyé spécial à New York – Une onde de choc s'est propagée mardi soir dans les rues de Manhattan quand il a été clair que Trump l'avait emporté. Un calme aussi rare qu'inquiétant s'est ensuite abattu sur la ville, qui a pourtant la réputation de ne jamais dormir.

Tout était réuni pour une belle soirée new-yorkaise : la favorite de la ville, Hillary Clinton, devait l'emporter facilement et un été indien, inhabituellement long et doux, semblait promettre à ses supporters une belle fête jusqu'au bout de la nuit.

Mais, comme beaucoup d'experts et de journalistes, les New-Yorkais avaient oublié que les sondages ne font pas une élection. Quand Donald Trump a remporté la Floride, vers 23 h (locales), les tournées de bières et les grands éclats de rire se sont faits plus rares dans les bars branchés du East Village.

Ils se sont carrément arrêtés quand il a empoché un à un les États clés, les fameux "swing states", le rapprochant toujours plus de la Maison Blanche. Un calme inhabituel a gagné tout le quartier, l'un des plus festifs de New York. La ville entière, qui est un bastion démocrate, était loin d'imaginer que le reste du pays allait lui imposer une présidence Trump pour les quatre prochaines années.

"C'est une catastrophe, comment une telle chose est-elle possible ? Je n'ai pas de mots..." lâche une jeune New-Yorkaise en quittant le Pourhouse Bar, situé à l'angle de la 3e avenue et de la 11e rue. Elle n'est pas la seule à avoir perdu la parole : l'endroit est passé en quelques minutes du "sports bar" assourdissant, où les gens hurlent pour tenter de couvrir le volume des enceintes, à un vieux rade glauque, dans lequel le videur a bien du mal à se faire respecter par les saoulards qui n'ont pas voulu déserter.

"On a enfanté un monstre"

L'élection de Trump est d'autant plus difficile à avaler pour les habitués du Pourhouse Bar que le républicain est un enfant de New York. Il est né et a prospéré ici avant de séduire les électeurs des zones rurales qui l'ont porté au pouvoir.

“La ville a enfanté un monstre, maintenant on va devoir endurer son règne" se désole un jeune branché avant d'enfourcher son vélo. "Ce pantin médiatique ne représente pas New York" veut croire un autre, qui ne tarde pas non plus à rentrer à la maison.

Une voiture de police semble narguer les jeunes démocrates qui s'accrochent au comptoir et veulent encore y croire. Elle passe au ralenti devant eux et ses occupants, ostensiblement hilares, laissent entendre qu'ils ne sont pas trop peinés par le résultat de l'élection. Trump aura d'ailleurs un mot pour les forces de l'odre dès les premières minutes de son discours de victoire.

Une journée qui avait pourtant bien commencé

Toute la journée de mardi, les New-Yorkais avaient pourtant le moral. Ils se rejouissaient de voir autant de monde faire la queue devant les bureaux de vote, sachant que la grande majorité de ces électeurs soutenaient Clinton.

Mais c'était oublier un peu vite que leurs voix ne comptent pas pour grand chose. Le système électoral américain est tel que l’élection se joue presque exclusivement dans les États clés, les fameux “swing states".

"Si on regarde la carte, on voit que seules les côtes Est et Ouest ont voté pour Clinton. Je propose qu'on redonne la Louisiane à la France [au XVIIIe siècle, la Louisiane française s'étendait du Canada au golfe du Mexique, NDLR]" tente de plaisanter l'un des derniers rescapés du Pourhouse Bar.

Quelques blocs plus haut, Union Square a des airs de petite place de province. La statue équestre de George Washington, qui garde le square central, est bien seule ce soir. Pas sûr que le père fondateur retrouve rapidement sa place populeuse et constamment agitée. Les New Yorkais ont vraiment l'air sonnés.

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