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Le monde paie un lourd tribut économique aux insectes envahissants

Une première étude sur les conséquences sur l'économie mondiale des insectes envahissants, publiée mardi, évalue le montant des dégâts à 69 milliards d’euros. Une facture qui pourrait encore augmentée à la faveur du réchauffement climatique.

Le termite de Formose, ce grand ennemi de l’économie mondiale. Originaire de Chine, il ne mesure que 1,25 cm. Mais les ravages de ce petit insecte coûtent 26,7 milliards d’euros par an dans les pays où il sévit, d’après la première étude sur l’impact économique des insectes envahissants publiée, mardi 4 octobre, dans la revue Nature Communication.

L’équipe internationale de scientifiques à l’origine de l’étude estime que les 70 espèces d’insectes envahissants observés font perdre chaque année au moins 69 milliards d’euros à l’économie mondiale, soit l’équivalent du PIB de la République dominicaine. Ces catastrophes économiques ambulantes sont des teignes, des moustiques, des capricornes et toutes les espèces “introduites par l’homme dans un environnement où elles s’établissent et posent des problèmes écologiques ou économiques”, explique Franck Courchamp, écologue du CNRS et coauteur principal de l’étude, contacté par France 24.

Termite de Formose devant la teigne des choux

Le termite de Formose est le roi incontesté de ces nuisibles, loin devant la teigne des choux (4,1 milliards d’euros) et le longicorne brun de l’épinette (4 milliards de dollars par an). L’étude a identifié dix espèces d’insectes envahissants dont l’impact négatif sur l’économie dépasse le milliard d’euros.

Les dommages économiques retenus par les scientifiques à travers l’étude de 737 articles et rapports scientifiques vont des dégâts matériels à la propagation de maladies. Le termite de Formose, par exemple, anéantit sans pitié du mobilier et de l’immobilier, ce qui peut fortement réduire la valeur du terrain et entraîne souvent de fortes dépenses publiques pour maîtriser une invasion de ce serial destructeur.

Le coût des épidémies comme celles de dengue ou de chikungunya, propagées par certains moustiques, est estimé à 6,18 milliards d’euros par an. Et encore “nous n’avons retenu que les effets directs sans prendre en compte l’impact économique indirect de la perte d’activité due à la maladie ou de périodes plus ou moins longues sans éducation pour les enfants qui vont avoir des répercussions par la suite sur l’économie d’un pays”, souligne le spécialiste de l'écologie.

Près de 300 milliards d'euros pour réaliser des études

Cet expert estime que l’impact économique réel des insectes envahissants est bien supérieur à ce qui peut être scientifiquement corroboré. La principale raison à son pessimisme provient de la pauvreté du nombre d’études consacré à ces insectes. Elles sont quasiment inexistantes en Asie ou encore en Océanie et en Afrique. Même en Europe, la littérature scientifique à ce sujet est peu répandue comparée aux États-Unis. Difficile de se faire une image d’ensemble. “Nous estimons que si un nombre équivalent d’études était réalisé aux États-Unis et sur les autres continents, le coût constaté pour l’économie serait d’environ 270 milliards d’euros par an”, estime Franck Courchamp.

Les données sont, en outre, incomplètes. Certains insectes – dont la dangerosité est pourtant avérée – n’ont pas du tout été étudiés. C’est le cas, notamment, du vers du cotonnier “qui s’attaque à 80 espèces de plantes cultivées et peut détruire jusqu’à 70 % d’une plantation”, résume l’écologue français.

De plus, les effets économiques ne sont pas toujours quantifiables. Comment évaluer les conséquences parfois désastreuses à long terme de l’introduction d’un insecte nuisible dans un nouvel écosystème ? Il peut s’en prendre à des espèces locales utiles, par exemple, pour la pollinisation, notent les auteurs du rapport.

L’Europe particulièrement menacée

Ces petites bêtes vont aussi devenir de plus en plus envahissantes et nocives pour l’économie au fur et à mesure du réchauffement climatique. “Ce sont des insectes à sang froid et leur propagation est limitée par les températures, mais avec le réchauffement climatique, la superficie de territoire propice à leur propagation augmente”, constate Franck Courchamp. D’ici 2050, la surface du globe sur laquelle les insectes envahissants se sentiront à l’aise aura augmenté de 18 %, estiment les auteurs du rapport.

L’Europe est particulièrement exposée à ces bouleversements induits par la hausse des températures. Le Vieux Continent était jusqu’à présent protégé des insectes envahissants par une “barrière thermique”. Mais elle est de moins en moins efficace et l’arrivée du moustique tigre – vecteur de maladies comme la dengue, ou Zika – en France métropolitaine illustre cette évolution.

Face à cette menace l’Europe est, en outre, moins bien préparée que des régions qui doivent lutter depuis des décennies contre les insectes envahissants. La prévention et la mise en place de mesures de biosécurité (formation des douaniers, listes de produits à risque) “est bien plus développée dans des pays comme la Nouvelle Zélande ou l’Australie qu’en Europe”, note Franck Courchamp. Il rappelle que dans certains cas, comme les maladies transmises par les moustiques, cette prévention peut diviser par dix la facture à payer pour lutter contre les insectes envahissants.

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