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Le gouvernement iranien encense Kiarostami... interdit de tourner dans son pays

Le président iranien et des membres du gouvernement ont salué la mémoire du réalisateur Abbas Kiarostami après sa mort, lundi à Paris, des suites d’un cancer. Pourtant, l’Iran avait interdit au cinéaste de tourner dans son propre pays.

Dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 juillet, les réseaux sociaux ont été inondés par les poèmes, les paysages oniriques et les extraits des films d’Abbas Kiarostami. Les messages de condoléances d’anonymes iraniens ont afflué sur Twitter, Facebook et Instagram juste après l’annonce de la mort du cinéaste iranien à Paris à l’âge de 76 ans, des suites d’un cancer.

Plusieurs ministres iraniens du gouvernement du réformateur Hassan Rohani, ainsi que le président iranien en personne, ont également honoré la mémoire du réalisateur dans des tweets et des déclarations, mais Téhéran n’a pas encore annoncé d'hommages nationaux.

Entre reconnaissance de son talent et tendance à la censure, les autorités iraniennes ont souvent entretenu un rapport ambigu avec Abbas Kiarostami.

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Quoi qu'il en soit, la réaction du pouvoir sera "scrutée par la population qui attend de la part du gouvernement réformateur d’Hassan Rohani une réaction sur cette perte", explique Mariam Pirzadeh, la correspondante de France 24 à Téhéran, car Abbas Kiarostami était, indéniablement, un géant du cinéma iranien.

Primé à Cannes pour "Le goût de la cerise" en 1997, il était le réalisateur le plus connu du pays et l’un des premiers à avoir remporté une récompense internationale. "Il est le pionnier du cinéma d’auteur iranien qu’il a fait connaître au monde, il lui a donné une visibilité et c’est pour ça qu’il est tant apprécié ici", précise Mariam Pirzadeh.

Il a également inspiré toute une génération de grands cinéastes iraniens. Parmi ses élèves, on compte par exemple son ancien assistant Jafar Panahi, le réalisateur de "Taxi Téhéran", devenu le symbole de la résistance cinématographique en Iran.

Avalanche d’hommages officiels

Les hommages officiels ont tout naturellement plu. L’un des premiers à réagir a été le ministre des Affaires étrangères. À l’origine de la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, Mohammad-Javad Zarif a déclaré dans un tweet que l’Iran avait "perdu un géant du cinéma international".

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Le président iranien Hassan Rohani, quant à lui, a posté une photo d’Abbas Kiarostami sur son compte Instagram. Saluant son "regard profond sur la vie", il l’a décrit comme un messager de la "paix et de l’humanité".

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Le ministre de la Culture, Ali Jannati, qui s’est exprimé auprès de l’agence de presse officielle Isna, a fait l’éloge d’un "avant-gardiste à l’approche humaine et morale". "Par la beauté de ses œuvres, innovantes et modernes, il a apporté une nouvelle dimension au cinéma et promu la réputation artistique de l’Iran de par le monde", a-t-il estimé.

Après la révolution islamique de 1979, Abbas Kiarostami avait fait le choix de rester dans son pays et de continuer à travailler avec le monde du cinéma à l'étranger, ce qui avait été toléré par le régime religieux. L'agence officielle iranienne Irna a d’ailleurs affirmé que sa dépouille serait rapatriée en Iran pour y être enterrée.

Un cinéaste censuré

À la différence de nombreux confrères, Kiarostami ne déplorait pas la censure, du moins frontalement, il composait avec. Il reconnaissait "que 'cela pose des problèmes pour certains sujets'", écrivait le journaliste Jean-Pierre Perrin à son sujet dans Libération en 1995. "Sa vérité n'est jamais celle de la révolte. Elle est toujours acceptable et d'une certaine façon confortable puisqu'elle lui permet de faire des films sans trop de soucis", poursuivait Jean-Pierre Perrin dans son article.

Pour autant, Téhéran n’a pas facilité la tâche au cinéaste de son vivant, particulièrement ces dernières années. "Il se montrait très discret en Iran", explique la correspondante de France 24 qui précise qu’il était "interdit de tournage".

Les récompenses internationales du maître du cinéma iranien n’ont en effet pas empêché certains de ses films plus récents d’être empêchés de diffusion dans le pays, à l’instar de "Copie Conforme" tourné en 2010 en Italie, justement pour échapper à la censure. "Ce film avait été interdit en Iran car l’actrice [Juliette Binoche] était dévêtue", explique Mariam Pirzadeh.

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"Alors qu’il ne pouvait pas tourner dans son pays, Abbas Kiarostami avait déclaré à l’époque : 'Je ne renoncerai jamais à mon métier, même si on me privait de mes droits', raconte la correspondante de France 24. Il ne se voyait pas vivre ailleurs qu’en Iran et il avait dit : 'Comme un arbre enraciné dans le sol, si vous le déplacez il ne produira plus de fruits, si je pars d’Iran je serai comme cet arbre.'" Au lendemain de la mort du cinéaste, cette citation est l’une des plus partagée par les Iraniens sur les réseaux sociaux.

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– Cet article a initalement été publié sur le site de France 24.