logo

François Hollande, un leader écolo salué à l’étranger mais contesté en son pays

Le président français s'est imposé comme l'un des porte-paroles de la lutte contre le réchauffement climatique à l'international. Mais en son pays, son bilan est critiqué, alors que s'est ouverte lundi à Paris la conférence environnementale.

Le président de la République a encore fait dans le lyrisme, lundi 25 avril, pour son discours d’ouverture de la quatrième conférence environnementale qui réunit à Paris, pendant deux jours, ONG, élus, patronat, syndicats et gouvernement, soit près d’un millier de participants.

"La transition que nous devons préparer, engager, accélérer, est une chance pour la France. Elle lui permet de renouveler et de retrouver l’idée même du progrès. Le progrès humain, celui qui améliore le bien-être, libère des initiatives, stimule des innovations, rend plus fort car plus libre", a ainsi déclaré le président de la République à l’Élysée.

Rébellion des ONG participantes

Trois jours plus tôt, c’était à New York que ses qualités d’orateur et de héraut de la lutte contre le réchauffement climatique avaient pu s’illustrer. "Cette réussite, cet espoir qui s’est levé [après l’accord de Paris en décembre 2015, NDLR], nous obligent tous aujourd’hui. Nous devons aller plus loin au-delà des promesses qui ont été faites, des engagements qui ont été pris, et faire que nos déclarations deviennent des actes", a-t-il affirmé.

Deux discours qui portent haut une certaine idée de la France et de son rôle en matière environnementale. Ils n’ont pourtant pas été accueillis avec la même ferveur. Salué par la communauté internationale, François Hollande doit en revanche faire face au scepticisme et aux nombreuses critiques dans son propre pays. La dernière conférence environnementale annuelle du quinquennat s’est en effet ouverte sur fond de rébellion des ONG participantes. Alors que ces conférences avaient officiellement pour but de "faire de la France la nation de l’excellence environnementale", ONG, élus et syndicats réclament que les actions du gouvernement français soient enfin en adéquation avec le message porté par la France sur la scène internationale.

La charge la plus forte a sans doute été lancée par la députée européenne EELV Michèle Rivasi. Dans un communiqué publié mercredi 20 avril et intitulé "Ne participons pas à cette supercherie !", elle appelait au boycott de la conférence environnementale. "Le gouvernement n’en finit pas de trahir ses promesses et de tourner le dos à l’urgence écologique. […] Après le bel accord diplomatique obtenu à Paris lors de la conférence climatique, le président de la République continue de négliger la question environnementale et celle de la transition énergétique."

Des promesses de campagne non tenues

Les sujets de discorde sont nombreux : l’abandon de l’écotaxe, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les retards dans la mise en œuvre de la loi sur la transition énergétique et de la loi sur la biodiversité, ainsi que les retards pris sur la sortie du nucléaire et la fiscalité écologique.

"On voit que l’ambition internationale est plus facile à revendiquer que l’ambition nationale, note Benoît Hartmann, porte-parole de l’ONG France Nature Environnement (FNE), contacté par France 24. Pour être en phase avec cette ambition, cela doit se traduire dans le budget et dans l’exemplarité de la France en matière écologique. Or non seulement le budget du ministère de l’Environnement baisse chaque année, mais en plus le mandat de François Hollande a été loin de l’exemplarité sur de nombreux dossiers."

La déception des ONG est à la hauteur des espoirs suscités par le candidat Hollande, qui avait proposé en 2012 un programme écologique ambitieux. Celui-ci promettait notamment de réduire la part du nucléaire français dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025, de fermer la centrale de Fessenheim ou de soutenir la mise en place d’une Organisation mondiale de l’environnement.

"Le bilan est assez amer, regrette Benoît Hartmann. Les déceptions se sont accumulées au fil des années. Les dossiers de Notre-Dame-des-Landes ou de l’écotaxe sont symptomatiques d’une vraie rupture et d’une vraie crise de la démocratie participative. À l’actif de François Hollande, il y a bien la loi sur la transition énergétique, mais on est obligé d’attendre de voir car c’est un actif hypothétique qui met un temps infini à se traduire en actes et qui dépendra en fin de compte du prochain président."

Selon une note de la fondation La Fabrique écologique, en effet, 77 % des décrets d’application de la loi sur la transition énergétique, pourtant promulguée en août 2015, sont en attente de publication. Dans son discours prononcé lundi à l’Élysée, François Hollande a toutefois assuré que "tous les textes d’application seront pris d’ici l’été". Le chef de l’État a également confirmé que la programmation pluriannuelle de l’énergie, véritable guide de mise en œuvre de la loi sur la transition énergétique, serait publiée le 1er juillet au plus tard.

"Pour le moment, il n’y a pas eu de changement de paradigme"

"La question de la mise en œuvre reste toujours en suspens, constate Pierre Cannet, responsable du programme Climat chez WWF France, contacté par France 24. Or ce que veulent les ONG, c’est du concret sur le terrain. On attend des choix fermes et un cap. Là on reste encore une fois dans un flou artistique."

Selon Pierre Cannet, il y a malgré tout eu de bonnes choses dans l’action menée depuis quatre ans par François Hollande sur le territoire national. Le responsable de WWF estime que les conférences environnementales ont permis de "gagner certaines batailles" comme la fin des soutiens publics au secteur du charbon. "L’annonce sur les 'green bonds' aujourd’hui est également intéressante, dit-il. Il s’agit d’un vrai pas en avant."

François Hollande a déclaré lundi que la France serait le premier pays à émettre des "green bonds" ou "obligations vertes" pour financer des projets environnementaux. Mais ces quelques annonces peuvent-elles suffire pour que la France soit effectivement synonyme d’excellence environnementale ?

"On est sur des contradictions entre l’action diplomatique et les actions à domicile, reconnaît Pierre Cannet. Il y a des parties prenantes, des lobbies dans chaque secteur concerné, qui freinent le changement. Sur chaque question, il est difficile d’avancer. Ça demande un certain courage et une certaine ténacité de la part du politique. Et pour le moment, il n’y a pas eu de changement de paradigme. Sur le panorama général, la transformation reste un sujet de discussion difficile."

"Il n’y a pas eu de volonté politique incarnée dans un projet fort et c’est forcément le signe que l’environnement n’était pas une priorité politique, ajoute Benoît Hartmann. Force est de constater que nous n’avons pas réellement progressé sur les questions environnementales."