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Pressée par les producteurs français et italiens, la Commission européenne renonce à autoriser la fabrication de vin rosé à partir du mélange de vin rouge et de vin blanc. Les viticulteurs craignaient pour l'image du rosé traditionnel.

AFP - Sous la pression de la France, rejointe par l'Italie, la Commission européenne a fini par renoncer lundi à l'idée d'autoriser la fabrication de vin rosé par simple mélange de rouge et de blanc, à la grande satisfaction des producteurs qui protestaient depuis des semaines.

"Il n'y aura pas de changement dans les règles de production du vin rosé", a annoncé Bruxelles au lendemain des élections européennes.

"Il était clair ces dernières semaines qu'une majorité de notre secteur viticole pensait que mettre un terme à l'interdiction du coupage allait saper l'image du rosé traditionnel", a déclaré la commissaire à l'Agriculture Mariann Fischer Boel.

Elle avait pourtant assuré il y a encore un mois qu'elle ne céderait pas, affirmant vouloir simplement donner aux producteurs européens la possibilité de faire la même chose que ce qui est autorisé dans des pays comme l'Australie ou l'Afrique du Sud.

La proposition devait être soumise le 19 juin à l'approbation définitive des experts des Etats membres.

Mais après un lobbying intense des producteurs de rosé français, italiens, espagnols, et celui de Paris, elle a changé d'avis.

Le porte-parole du président de la Commission José Manuel Barroso a toutefois rejeté l'idée d'un "cadeau" fait au président Nicolas Sarkozy, dans l'espoir de lever les réticences de la France à accepter une reconduction formelle du Portugais pour un second mandat dès le sommet européen des 18 et 19 juin.

"C'est un peu étrange que quand la Commission ne change pas ses propositions, elle est +rigide et technocrate+, et quand elle écoute un secteur, on la traite d'opportuniste", a argumenté le porte-parole, Johannes Laitenberger, réclamant le "bénéfice du doute".

La Commission a peut-être aussi voulu éviter un nouveau camouflet de la part des Etats de l'UE sur un dossier sensible pour les consommateurs, après le refus des 27 en mars d'obliger l'Autriche et la Hongrie à cultiver un maïs génétiquement modifié.

Selon des diplomates, la France avait en effet réussi à retourner suffisamment de capitales pour s'assurer une minorité de blocage le 19 juin sur le coupage du rosé. "La France avait le soutien de l'Italie, de la Roumanie, de la Hongrie, d'autres pays d'Europe de l'Est et également celui, tacite, de l'Allemagne", a dit l'un d'eux.

Paris n'avait pourtant au départ rien trouvé à redire à ce projet de réforme passé largement inaperçu. Mais le réveil très médiatisé des viticulteurs français en début d'année l'a incitée à revoir sa position en mars.

"Ce qui n'était au départ qu'une question technique est devenue très politique. Durant la campagne pour les élections européennes, nous avons expliqué à la Commission que nous avions un vrai problème avec cette histoire dont s'étaient emparé certains partis en France pour dénoncer l'Europe technocratique", explique un négociateur français.

La reculade de Bruxelles a ravi les producteurs de vin rosé "traditionnel", réalisé selon une méthode plus coûteuse que le coupage, à partir de seuls raisins rouges.

C'est "une grande satisfaction" que Bruxelles ait décidé de "conserver le savoir-faire des vignerons plutôt que le côté mercantile", a déclaré Xavier de Volontat, président de l'Association générale de la production viticole (AGPV) en France.

"Le contexte était favorable à l'approche des européennes. Nous étions sous le feu des projecteurs", a ajouté un représentante des producteurs de vins rosés de Provence, Michelle Nasles.