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Allemagne : la crise des migrants pourrait coûter cher à Angela Merkel

Angela Merkel sera reçue vendredi par François Hollande pour préparer le sommet UE-Turquie sur la crise des migrants. Vivement critiquée dans son pays, la chancelière allemande continue de défendre sa politique d'accueil des réfugiés.

Alors que les Allemands doutent de plus en plus ouvertement de la capacité de leur pays à accueillir demandeurs d'asile, immigrants clandestins et réfugiés, la chancelière Angela Merkel persiste et signe. Dans une interview diffusée le 28 février sur la chaîne de télévision ARD, la chef du gouvernement a défendu sa politique et de nouveau exclu d’imposer un quota annuel de demandeurs d’asile.

"Il y a tellement de violence et de souffrances à notre porte. Qu'est-ce qui est bon pour l'Allemagne à long terme ? Je crois que c'est préserver l'unité de l'Europe et montrer notre humanité", a-t-elle insisté, tout en expliquant qu’il ne pourrait y avoir selon elle de "plan B" à l'accord conclu entre l'Union européenne et la Turquie pour réduire l'afflux de migrants.

"Parfois, moi aussi, je désespère. Certaines choses vont trop lentement. Il y a beaucoup d'intérêts contradictoires en Europe. Mais il est de mon devoir de tout faire pour que l'Europe apporte une réponse collective", a-t-elle ajouté. "Mon foutu devoir, et mon obligation, est que cette Europe trouve un chemin ensemble."

Ensemble mais menée par l'Allemagne qui a accueilli 1,1 millions de demandeurs d'asile pour la seule année 2015. Le pays a aussi promis de verser la somme record de 570 millions d'euros au fond du Programme alimentaire mondial pour venir en aide aux réfugiés syriens en Jordanie, au Liban, en Irak et en Égypte. Ce montant représente plus de 80 % des promesses de donations internationales.

Des critiques dans son propre camp

Pour Barbara Kunz, chercheuse au Cerfa (Comité d'études des relations franco-allemandes), Angela Merkel s'est permis de hausser le ton car elle a "un peu l’impression qu’on ne voit pas tellement à quel point elle essaye de trouver une solution européenne dans ces contacts avec la Turquie et dans son engagement à Bruxelles" et surtout, elle "en a marre de la critique qui lui vient de son propre camp". La veille de cette interview, la chancelière avait en effet été accusée par le dirigeant des conservateurs bavarois, Horst Seehofer, d'avoir perdu le sens des réalités dans la crise des réfugiés.

"On peut fuir un moment face à elle (la réalité) car elle ne correspond pas au concept politique mis en place. Mais alors, c'est la population qui va nous fuir", avait ainsi déclaré le président de l'Union chrétienne-sociale (CSU), le petit frère bavarois de la CDU d'Angela Merkel, dans un entretien au magazine Der Spiegel. "Les Suédois agissent, les Danois agissent, les Belges agissent, il n'y a que chez nous que c'est complètement différent", avait-il aussi fustigé en faisant référence au fait que ces pays ont rétabli des contrôles aux frontières.

>> À voir sur France 24 : "Crise des migrants : l'Allemagne face au défi de l'intégration"

Comme l’explique Barbara Kunz sur l’antenne de France 24, cette fracture politique pourrait s’avérer lourde de conséquence pour la chancelière : "Le grand problème pour Angela Merkel est bien sûr de perdre les Allemands lors des prochaines élections".

Depuis l’automne, le camp conservateur ne cesse en effet de dégringoler dans les sondages. Or se profilent dans deux semaines des élections cruciales dans trois États régionaux, dont le riche Bade-Wurtemberg, un Land qui compte parmi les plus gros contingents de demandeurs d'asile. Le parti populiste de droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) profite, de son côté, de la situation et des craintes des habitants.

"Un déséquilibre" entre l’Allemagne et la France

Pour tenter regagner en popularité et surtout de sortir l’Europe de l’impasse face à la crise migratoire, la chancelière attend beaucoup des discussions programmées entre les dirigeants et la Turquie le 7 mars, et du sommet européen sur l’immigration des 18 et 19 mars. Pour celle qui fustige notamment la décision de l’Autriche d’imposer des quotas quotidiens à l’entrée sur son territoire, la solution doit venir d’une démarche européenne et d’une réponse collective.

Pour préparer ces rendez-vous décisifs, elle doit rencontrer vendredi à l’Élysée François Hollande. "J’imagine qu’elle va demander plus de solidarité du côté français, en lui rappelant que le couple franco-allemand travaille ensemble", estime Barbara Kunz. "Il y a un vrai déséquilibre. Manuel Valls a dit il n'y a pas très longtemps à Munich que la France n’avait pas l’intention d’accueillir plus de réfugiés et je pense que l’Allemagne se sent assez seule sur cette question."