Les débats sur l’épineuse question de la déchéance de nationalité se poursuivent mardi à l’Assemblée nationale. Certains députés ont invoqué la Seconde Guerre mondiale et leur héritage familial pour dénoncer la mesure.
"Que le lourd passé de notre Nation éclaire son avenir." C’est sur ces quelques mots prononcés d’une voix tremblante que Charles de Courson, député centriste (UDI) de la Marne, a achevé son plaidoyer à l’Assemblée nationale. Alors que l’article 1 de la réforme constitutionnelle, qui donne un cadre à l’utilisation de l’état d’urgence, a été adopté tard dans la nuit du lundi 8 février par les députés, la question de la déchéance de nationalité continue d’émouvoir.
Certains députés ont invoqué les douloureux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale à propos de l’article 2 du texte débattu mardi à l’Assemblée, prévoyant l’inscription de la déchéance de la nationalité dans la Constitution.
La gorge nouée par l’émotion, Charles de Courson a évoqué son grand-père, "député de la Nation, (...) qui avait voté contre les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain parce qu'il était contre le sabordage de la République" pour dénoncer une mesure "inacceptable" et "contraire à l’unité de la nation" telle qu'elle était présentée dans sa première version, ne concernant que les binationaux reconnus coupables de terrorisme.
"Voter pour ce texte, c'était trahir sa mémoire", a-t-il ajouté. Contenant ses larmes, il a aussi rappelé le sort de son père, résistant français, qui avait lui aussi été "qualifié de terroriste par l’occupant nazi" pendant la Seconde Guerre mondiale. Le député a ensuite annoncé qu’il voterait pour la nouvelle rédaction de l’article 2, qui "s'appliquera à tous les Français condamnés pour des crimes et délits graves en lien avec le terrorisme", estimant toutefois qu’une mesure d’indignité nationale eut été préférable.
À l’image de l’intensité du discours de Charles de Courson, le débat sur la question de la déchéance de nationalité divise profondément les parlementaires, au-delà des logiques partisanes. De son côté, Renaud Muselier, député européen Les Républicains, a invoqué son histoire personnelle pour dévoyer la mesure.
Il a rappelé sur la chaîne Public Sénat l’histoire de son grand-père, l’amiral Muselier, "compagnon de la Libération" et déchu de sa nationalité française par le régime de Vichy. Brandissant une photocopie du Journal officiel du 2 février 1941 actant la déchéance de son aïeul, le député a assuré que "la déchéance de nationalité donne raison aux terroristes" et s’est insurgé contre sa possible inscription dans la Constitution.
"Imaginez, on touche la Constitution, Marine Le Pen est après présidente de la République (….) Alors on ne peut plus dissoudre [le Parlement], on est en permanence dans une situation de conflit, et il y a une atteinte à nos libertés", a-t-il mis en garde.
L'article 2 du texte doit être soumis au vote mardi 9 février. L'ensemble du texte pourrait être adopté par les parlementaires mercredi mais sera ensuite débattu au Sénat, rendant son avenir encore incertain.
La puissance des symboles invoqués par certains parlementaires pour dénoncer la déchéance de la nationalité l’inscrit lourdement dans une perspective historique qui dépasse le présent débat parlementaire. Rares sont d'habitude les élus mettant en avant leur histoire personnelle, une émotion citoyenne et individuelle qui illustre bien le caractère décisif et grave de la mesure.