
La résistante, journaliste et romancière française Edmonde Charles-Roux, veuve de l'ancien maire de Marseille Gaston Defferre, est décédée mercredi soir à l'âge de 95 ans. Elle avait reçu le prix Goncourt en 1966 pour "Oublier Palerme".
Résistante, journaliste et romancière, elle a traversé le siècle dernier et a vécu sa vie pour la liberté et la création. Edmonde Charles-Roux est décédée, mercredi 20 janvier, à Marseille, à l'âge de 95 ans, a-t-on appris jeudi de l'Académie Goncourt.
Affaiblie depuis décembre, Edmonde Charles-Roux s'est éteinte dans une maison de convalescence de la cité phocéenne à laquelle elle était restée "passionnément attachée", selon la présidence de la République. Edmonde en a été la Première dame pendant plus de dix ans, après avoir épousé en 1973 Gaston Defferre, maire historique de la ville de 1953 à 1986.
François Hollande a rendu hommage à "une grande femme de lettres". "D’une vie dans le siècle, elle a fait un extraordinaire roman de courage, d’engagement et de création", a indiqué le président français dans un communiqué. Il l’avait vue "il y a quelques mois, à Gardanne où elle se préparait à la mort en gardant une inaltérable envie de partager toutes les émotions du monde".
Figure de la résistance
Cette grande bourgeoise, fille de diplomate née le 17 avril 1920 à Neuilly-sur-Seine, a toujours cultivé l'anticonformisme. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, Edmonde Charles-Roux prépare un diplôme d’infirmière. Volontaire, elle est affectée dans un corps d’ambulancières, dans une unité de la Légion étrangère, le 11e régiment étranger d’infanterie. Blessée en 1940 lors du bombardement de son hôpital de campagne, elle continue néanmoins son secours aux blessés et eest décorée de la Croix de guerre.
De retour à Marseille, Edmonde Charles-Roux continue le combat dans les rangs de la Résistance. D’abord approchée par des membres des FTP-MOI (francs-tireurs et partisans - main-d’œuvre immigrée), elle est ensuite affectée à l’État major du général de Lattre de Tassigny au lendemain du débarquement des troupes françaises en Provence. "Croix de guerre, elle est restée toute sa vie fidèle aux combattants dont elle avait partagé la condition et l’idéal", poursuit l’Élysée.
Une journaliste anticonformiste
Après la Libération, Edmonde Charles-Roux entre à la rédaction du tout nouvel hebdomadaire féminin Elle. Elle y passe deux ans avant d’intégrer la rédaction française de "Vogue" dont elle devient, en 1950, rédactrice en chef. Elle se lie avec les plus grands artistes et imprime sa marque, consacrant autant de page à la culture qu’à la mode. Elle fait ainsi émerger les talents naissants de l’époque, comme les photographes Guy Bourdin, Irving Penn ou William Klein ou encore les écrivains Violette Leduc ou Alain Robbe-Grillet.
Sa liberté de ton finit par lui jouer des tours. En 1966, elle est licenciée pour avoir voulu imposer une mannequin noire en couverture. Un affront pour ses patrons américains : de fait, Naomie Campbell sera la première Noire à faire la couverture de "Vogue" Paris, vingt-deux ans plus tard, en 1988.
"Elle avait le courage intellectuel. Quand il fallait prendre une position tranchée elle n'hésitait pas, quitte à mettre son avenir professionnel en jeu", a estimé Bernard Pivot, président de l'Académie Goncourt, dans un hommage rendu sur RTL jeudi matin.
Ex-membres de l’académie des Goncourt
Bernard Pivot note aussi qu’Edmonde Charles-Roux a "toujours été un écrivain de grande qualité". En 1966, elle reçoit le prix Goncourt pour son premier roman, "Oublier Palerme", tiré d’un souvenir d'enfance.
Interview d'Edmonde Charles Roux, lauréate du prix Goncourt, le 16 décembre 1966
Ce n’est pas le coup d’essai de l’écrivaine. Elle a participé dix ans plus tôt à l’atelier littéraire constitué par Maurice Druon en 1955 pour la rédaction des "Rois maudits". Elle devient membre de l'Académie en 1983 dont elle est élue présidente en 2002. Elle ne cèdera la présidence à Bernard Pivot qu'en 2014.
Le 7 janvier dernier, elle avait démissionné de l'Académie pour raisons de santé, laissant son "couvert" à l'écrivain, dramaturge et metteur en scène Eric-Emmanuel Schmitt. Ses œuvres, parmi lesquelles "Elle, Adrienne" (1971, "L'Irrégulière" (1974), biographie de Coco Chanel, "Une enfance sicilienne" (1981), "Un désir d'Orient" (1989) ou "Nomade j'étais" en 1995, sont traduites en une vingtaine de langues. Elle avait aussi écrit des scénarios et adaptations pour les ballets de Roland Petit.
Avec AFP