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François Hollande et Angela Merkel ont lancé un appel, devant les eurodéputés mercredi à Strasbourg, pour relancer la construction européenne, mise à mal par les récentes crises. Une fois de plus, France et Allemagne veulent montrer l'exemple.

Vingt-six ans après François Mitterrand et Helmut Kohl, François Hollande et Angela Merkel se sont à leur tour adressés au Parlement européen, mercredi 7 octobre, à Strasbourg, pour réaffirmer la nécessité de renforcer l’Europe face aux crises et à la montée des extrémismes. Le symbole était fort. Le contexte, lui, a bien changé.

En 1989, les discours de Mitterrand et Kohl furent prononcés quelques jours seulement après la chute du mur de Berlin et précédaient de peu la réunification allemande. Deux moments clés dans l’histoire de la construction européenne. Un quart de siècle plus tard, ce processus semble en panne. L’UE est minée par les crises successives qui font apparaître de plus en plus de divisions, ce que n’a pas manqué de souligner François Hollande mercredi. "Le débat, il n’est pas entre moins d'Europe et plus d'Europe, il est entre l'affirmation de l'Europe ou la fin de l'Europe. Oui, la fin de l'Europe. C'est-à-dire le retour des frontières nationales, le démantèlement des politiques communautaires, l'abandon de l'euro."

La crise des migrants, la crise grecque, la question des déficits publics, le terrorisme, la crise économique, la montée des populismes et des extrémismes dans plusieurs pays de l’Union sont en effet venus freiner le projet européen ces dernières années. François Hollande et Angela Merkel ont donc lancé un appel à Strasbourg pour que l’UE reparte de l’avant. "La France et l’Allemagne souhaitent toujours faire avancer la construction européenne", affirme Hélène Miard-Delacroix, professeur à Paris IV-Sorbonne et spécialiste des relations franco-allemandes, contactée par France 24. "Et alors que l’Union européenne traverse une période trouble, la référence à François Mitterrand et Helmut Kohl est utile, car François Hollande et Angela Merkel veulent s’inspirer du passé pour relancer un processus menacé par les différents défis qui se posent à l’Europe."

L’entente franco-allemande a elle-même été mise à l'épreuve et a parfois montré ses limites ces derniers mois. Paris et Berlin n’étaient pas sur la même ligne au sujet de la dette grecque. L’Allemagne ne cesse de s’impatienter au sujet du déficit public français qui continue d’excéder les 3 % de son PIB. Par ailleurs, au plan diplomatique, Angela Merkel a même exprimé une position différente de celle de François Hollande sur l’attitude à adopter vis-à-vis de Bachar al-Assad en Syrie.

"La France et l’Allemagne ont eu quelques difficultés à parler d’une même voix et à donner une impulsion ces derniers temps, mais ce ne sont pas des mésententes insurmontables, souligne Hélène Miard-Delacroix. Il faut se détacher de la représentation fantasmatique d’une union absolue entre les deux pays. La politique, c’est gérer le possible en trouvant des compromis et une ligne commune. Il ne s’agit pas de devenir identique."

Le couple franco-allemand incapable de convaincre sur les quotas de réfugiés

C’est d’ailleurs sur cette base que l’UE s’est construite au fil des décennies. Le couple franco-allemand souhaitait donc incarner devant le Parlement européen cette idée que les discordes peuvent être surmontées. "Dans la plupart des domaines, que ce soit l’énergie, la gestion du budget ou l’armée, Paris et Berlin ont en fait des intérêts et des positions qui diffèrent, rappelle la spécialiste des relations franco-allemandes. Donc, à partir du moment où ces deux pays parviennent à se rapprocher, ils peuvent agir comme force d’entraînement pour les autres."

En somme, montrer l’exemple. Mais ce pouvoir de mobilisation existe-t-il toujours ? Car, outre les nouvelles problématiques auxquelles doit répondre l’UE, c’est la capacité d'influence de la France et de l’Allemagne au sein des 28 qui a aussi changé. En 2015, il ne suffit plus à ces deux pays de se mettre d’accord pour que les autres suivent. La crise migratoire le montre bien : François Hollande et Angela Merkel n’ont pas réussi à convaincre l’ensemble de leurs partenaires sur la question des quotas d’accueil des réfugiés.

Le choix du Parlement européen pour insuffler une nouvelle dynamique dans la construction européenne est en ce sens tout à fait symbolique. Les deux dirigeants se sont ainsi adressés aux élus du peuple européen, dans un hémicycle où siègent désormais de nombreux eurosceptiques, voire même des opposants au projet européen.

Or, François Hollande et Angela Merkel doivent en tenir compte. "L’un et l’autre sont confrontés à des situations particulières, note Hélène Miard-Delacroix. Hollande doit composer avec la montée du Front national, tandis qu’on assiste à la montée d’un populisme très fort en Allemagne, où il y a de plus en plus de contribuables qui ont le sentiment de payer pour les autres dans la zone euro. "Un sentiment qui s’est particulièrement exacerbé au moment des négociations avec Athènes, et sur lequel s’appuient les opposants à l’accueil des réfugiés."

C’est donc un pari qu’ont fait le président français et la chancelière allemande. Celui de mettre fin au repli nationaliste et de provoquer un sursaut. "Mitterrand disait que le nationalisme, c'est la guerre. Son avertissement est toujours valable", a notamment lancé François Hollande aux eurodéputés. L’avenir dira si le message franco-allemand a été entendu.