
À partir de 2016, la France se conformera au nouveau code mondial antidopage et permettra que soient menés des contrôles inopinés durant la nuit. Ces opérations nocturnes devront toutefois être organisées dans le cas de graves soupçons.
Euro-2016 de football, Tour de France : à partir de 2016, les nuits de certains sportifs pourraient bien être raccourcies lors de leur passage en France, avec la transcription effective du nouveau code mondial antidopage qui autorise les contrôles nocturnes, dans un cadre strict.
Ces opérations seront désormais possibles entre 23 h et 6 h du matin grâce à l'ordonnance de transcription présentée mercredi 30 septembre en conseil des ministres. Jusque-là, seuls des soupçons de terrorisme ou de grand banditisme justifiaient de faire irruption au domicile de quelqu'un dans ce créneau horaire.
Cette ordonnance se faisait attendre depuis le 1er janvier 2015, date d'entrée en vigueur du nouveau code mondial antidopage dans le monde du sport.
Le 30 septembre était le dernier jour légalement possible pour son passage en conseil des ministres, neuf mois après la loi du 30 décembre 2014 qui visait à "assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage".
Pourquoi donc la France a-t-elle mis autant de temps à transposer ce code ? "La transposition ne peut pas être systématique car elle se heurte parfois à des contraintes liées à notre Constitution. On ne peut pas retranscrire un article contraire à la Constitution", explique à l'AFP Thierry Braillard, secrétaire d'État aux Sports.
Un casse-tête juridique
Deux difficultés se sont imposées à la lecture du droit français. "Premièrement, les sanctions que le code mondial voulait fixes se heurtaient à un avis du Conseil constitutionnel sur les peines plancher décidées sous l'ancien gouvernement. Par ailleurs, les contrôles de nuit posaient problème car en France on ne peut pénétrer dans le domicile de quelqu'un après 23 h que pour des questions de terrorisme ou de grand banditisme", rappelle Thierry Braillard.
Les premières moutures de l'ordonnance avaient ainsi suscité de nombreuses interrogations, en particulier sur le point des contrôles réalisables "à toute heure, en tous lieux". Une notion trop vague pour le droit français, car jugée contraire aux libertés individuelles.
Les juristes français ont donc eu du travail ces derniers mois : l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a rendu trois avis et le Conseil d'État a été consulté à deux reprises.
Finalement, l'ordonnance "étend l'amplitude horaire des contrôles diurnes de 6 h à 23 h, au lieu de 21 h actuellement. Par ailleurs, les contrôles nocturnes sont autorisés dans des conditions strictement encadrées de 23 h à 6 h du matin", explique le secrétaire d'État.
Ces contrôles nocturnes "ne pourront intervenir qu'avec le consentement du sportif, sollicité trimestriellement pour savoir s'il les accepte. À défaut, s'il n'y a pas consentement mais qu'il existe une vraie volonté de contrôles, on sollicitera un juge des libertés et de la détention pour obtenir une ordonnance et faire ce contrôle", note Thierry Braillard.
Un dispositif très encadré
Les contrôles nocturnes seront donc possibles durant l'Euro-2016 et le prochain Tour de France, par exemple. Ils le seront du moins "lorsque des soupçons graves et des manquements seront avérés, de même que s'il y a risque de disparition de preuves", précise le secrétaire d'État.
L'AFLD se satisfait bien évidemment de ce texte, qui entrera en vigueur lorsque les décrets d'application auront été publiés, avant la fin de l'année.
Son président, Bruno Genevois, souligne d'autres innovations offertes par l'ordonnance : "L'interdiction faite à un sportif d'avoir recours à des personnes condamnées pour dopage sur le plan pénal, professionnel ou administratif ; la prise en compte d'interdictions prononcées par d'autres pays que la France ou la possibilité d'un sursis partiel, voire total, pour un sportif s'il dénonce ses complices".
Reste maintenant à la France de passer l'écueil du comité de révision en matière de conformité, instance indépendante, bien qu'émanant de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Elle statuera sur la qualité du texte le 18 novembre à Colorado Springs (États-Unis), lors du prochain conseil de fondation de l'AMA.
De source proche de l'instance internationale, on se montre à ce sujet "raisonnablement optimiste", ce qui n'était pas le cas il y a trois mois encore. Une bonne nouvelle, puisqu'un mauvais avis aurait de fâcheuses conséquences sur la candidature de Paris à l'organisation des JO-2024.
Avec AFP