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Financement libyen : les principaux points du jugement de Nicolas Sarkozy
Voici les principaux points du jugement du tribunal correctionnel de Paris qui a condamné jeudi 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement l'ancien président Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs, et ordonné sa prochaine incarcération, dans l'affaire libyenne.
Nicolas Sarkozy le 25 septembre 2025 à Paris. © Stephanie Lecocq, Reuters

Le contexte de l'époque

"Nicolas Sarkozy, à l'automne 2005 et pendant le premier semestre de 2006, ne pouvait pas avoir la certitude absolue qu'il n'y aurait pas de double candidature au sein de l'UMP, et qu'il aurait le soutien financier du parti en 2007". Ce qui pourrait expliquer les démarches pour obtenir un financement occulte en vue de la présidentielle.

Les rencontres occultes de Guéant et Hortefeux avec Senoussi

Des entretiens en Libye de Claude Guéant et Brice Hortefeux en 2005 avec Abdallah Senoussi, condamné à perpétuité en France pour l'attentat contre le DC10 d'UTA, sont au cœur du raisonnement ayant conduit à la condamnation de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs en vue de mettre en place un pacte de corruption. 

"Alors que Nicolas Sarkozy envisageait sérieusement sa candidature (...), le plus proche collaborateur et l'ami du candidat, ont rencontré à trois mois d'intervalle dans des conditions de grande discrétion (...), le numéro 2 du régime, Abdallah Senoussi, dont la situation pénale était un sujet de préoccupation très important pour les Libyens, ce qu'ils n'ignoraient pas", estime le tribunal. 

Alors ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a laissé Claude Guéant et Brice Hortefeux, "en son nom", "agir afin d'obtenir ou tenter d'obtenir des soutiens financiers en vue du financement de sa campagne électorale", "envisager des contreparties diplomatiques (...), économiques (...), et juridiques", la "promesse de levée du mandat d'arrêt d'Abdallah Senoussi".

Nicolas Sarkozy "ne (pouvait) qu'être au courant" de la rencontre de Claude Guéant avec Senoussi, "il est impossible que (Brice Hortefeux) n'ait pas rendu compte au candidat" de la sienne. 

Ces rencontres occultes "n'ont de sens qu'au regard (...) des préoccupations évoquées avec les autorités libyennes et de la nécessité d'obtenir des fonds". Quant à l'engagement d'examiner une absolution d'Abdallah Senoussi en échange d'un financement, "le fait qu'il n'y ait eu aucun acte positif (...) n'infirme pas que des promesses en ce sens, même irréalisables d'un point de vue judiciaire, aient été faites". 

Les mouvements financiers

"La procédure ne permet pas de fonder une démonstration que l'argent parti de Libye, quel que soit le canal, serait in fine arrivé dans la campagne". 

Mais, "il résulte des carnets de (l'ancien ministre du pétrole libyen) Choukri Ghanem que des dignitaires libyens, dont Abdallah Senoussi, ont envoyé de l'argent dans le but de financer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy". 

Des flux financiers ont été mis au jour par l'enquête. Certes, "les éléments de la procédure ne permettent pas de démontrer quel circuit auraient emprunté ces sommes pour arriver jusqu'à financer la campagne électorale de manière occulte, ni même si elles y sont parvenues". "Il n'en demeure pas moins que" des mouvements financiers "ont eu lieu (...) dans une temporalité compatible avec la campagne, et qu'en fin de campagne, demeuraient 35.000 euros dont la provenance ne recevait aucune explication convaincante."

L'association de malfaiteurs

"Les engagements, pris en réponse à une offre de financement, suffisent à caractériser l'existence d'un pacte corruptif (...) et ce, indépendamment qu'aucune somme ne soit in fine arrivée, ou très partiellement, ou que le financement de la campagne par l'UMP devenant certain, il n'y en ait plus eu besoin."

Passible de dix ans d'emprisonnement pour ces faits, le maximum en matière correctionnelle, le délit d'association de malfaiteurs "implique que soient caractérisés un ou des faits matériels consistant en des actes préparatoires" à un délit, "même si ce délit n'a pas été consommé, ni même tenté."

La gravité des faits

Pour justifier la peine, le tribunal a souligné qu'il s'agissait "de faits d'une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l'intérêt général, mais aussi dans les institutions même de la République".

S'il est exact qu'il n'y a pas eu d'accroissement direct et immédiat du patrimoine de Nicolas Sarkozy, "l'association de malfaiteurs avait pour but de lui procurer un avantage dans la campagne électorale et de lui permettre d'accéder à la plus haute fonction et de l'exercer pendant cinq années".

Les relaxes

Concernant le délit de corruption passive, Nicolas Sarkozy a "agi, non en tant que ministre de l'Intérieur (...) mais en tant que candidat". Or, "si le seul pacte de corruption suffit à caractériser le délit de corruption, il ne saurait en aller ainsi lorsque ledit pacte est passé avec une personne qui n'est pas encore dépositaire de l'autorité publique."

Quant au recel de détournement de fonds publics étranger, autre chef de poursuite, la jurisprudence "ne permet pas de sanctionner la complicité ou le recel de ces infractions".

Sur le financement illicite, "le tribunal n'est pas en mesure de démontrer de manière indubitable que" l'argent liquide pendant la campagne "provenait de fonds libyens, ni qu'il y aurait eu un volume d'espèces supérieur aux 35 000 euros recueillis".

Avec AFP