
Ahoua Don Mello, candidat indépendant à l'élection presidentielle ivoirienne du 25 octobre 2025. © MSA-ADM
Il affirme s’être lancé dans la bataille pour éviter la politique de la chaise vide. Compagnon de longue date de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello fait partie des cinq candidats autorisés à concourir à la présidentielle du 25 octobre.
Validée par le Conseil constitutionnel, sa candidature n’est néanmoins pas du goût de son ex-parti, le PPA-CI (Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire), qui n'a accordé son investiture qu'à Laurent Gbagbo et rejette tout "plan B".
Démis de ses fonctions de vice-président du parti, Ahoua Don Mello se présente en tant qu’indépendant. Il insiste sur l’importance de la "bataille dans les urnes" et appelle les oppositions à le soutenir pour faire barrage au quatrième mandat du président Alassane Ouattara.
"Technocrate de l’ombre"
S’il est loin d’être un novice en politique, Ahoua Don Mello, 67 ans, était jusqu’ici moins exposé que d’autres grandes figures de la gauche comme l'ex-première dame Simone Ehivet, également candidate, ou Charles Blé Goudé. "C’est un technocrate de l’ombre qui a évolué sous la figure tutélaire de Laurent Gbagbo", souligne le politologue Séverin Yao Kouamé. "Il a occupé des fonctions importantes, mais n'a jamais eu de mandat électif. La présidentielle d’octobre est son premier coup d’essai."
Ahoua Don Mello a rencontré l’ex-président ivoirien dans les années 1980 en France. Étudiant ingénieur et militant au Parti communiste français, il rejoint son parti, le Front populaire ivoirien (FPI) – formé clandestinement sous le régime à parti unique de Félix Houphouët-Boigny –, dont il devient l’un des cadres.
Élu président de la Côte d'Ivoire en 2000, Laurent Gbagbo nomme Ahoua Don Mello à la tête du Bureau national d'études techniques et de développement (BNETD), structure d’État chargée des grands chantiers publics, qu’il dirigera durant onze années. De 2010 à 2011, il est également ministre de l'Équipement et de l'Assainissement et porte-parole du gouvernement.
En exil de la Guinée à la Russie
En 2011, la crise post-électorale marque le début d’une période d’exil pour nombre d’alliés du président Gbagbo. Ahoua Don Mello pose alors ses valises en Guinée, où il devient conseiller d’Alpha Condé. Poste qu’il occupe jusqu’à la date fatidique du 5 septembre 2021.
"Il avait été envoyé en Russie pour recruter des ingénieurs capables d’extraire la bauxite guinéenne. À son arrivée, les autorités russes lui ont appris qu’Alpha Condé avait été renversé et qu’il ne pourrait pas retourner en Guinée", explique Victor Achy, un proche collaborateur d'Ahoua Don Mello.
De cette mésaventure naît une nouvelle opportunité professionnelle. Bloqué momentanément en Russie, il est recruté par les autorités comme conseiller spécial du patronat, chargé de trouver de nouveaux marchés en Afrique. En 2023, il devient également vice-président de l’Alliance internationale des Brics, dont il promeut la vision sur le continent africain.
Candidature dissidente
Rentré depuis quelques années en Côte d’Ivoire, dans le sillage de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello avait rejoint son nouveau parti, le PPA-CI. Jusqu’à sa déclaration de candidature et sa mise à l’écart.
La brouille provient d’une note adressée à l’ancien président ivoirien, publiée sur les réseaux, dans laquelle Ahoua Don Mello suggère d’autoriser "deux ou trois" candidatures de précaution, dans le cas où Laurent Gbagbo ne parviendrait pas à faire valider la sienne.
Blanchi par la Cour pénale internationale (CPI) des accusations de crimes contre l’humanité liés aux violences post-électorales de 2010-2011, l’ancien président demeure inéligible en Côte d’Ivoire du fait d’une condamnation dans l’affaire du "casse de la BCEAO".
La proposition d’Ahoua Don Mello a été immédiatement rejetée par le PPA-CI. Ce qui ne l’a pas empêché d’officialiser, fin juillet, sa participation à la présidentielle.
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Le pari du rassemblement
Pour la porte-parole du PPA-CI, la candidature d’Ahoua Don Mello est une initiative purement personnelle, qui ne reflète aucunement la ligne du parti. "Ahoua Don Mello était certes un vice-président du PPA-CI, mais le parti en compte une vingtaine. Nous avons mené des tournées de mobilisation à travers tout le pays et son nom n’est jamais revenu dans les discussions", affirme Habiba Touré, également cheffe de cabinet de Laurent Gbagbo. "Le parti est plus déterminé que jamais à faire lever la condamnation injuste qui entraîne l’inéligibilité de notre candidat. Tout est encore possible", assène-t-elle.
Jeudi 18 septembre, la porte-parole du PPA-CI a rendu publique une déclaration de Laurent Gbagbo indiquant qu'il ne soutiendrait aucun candidat.
Ahoua Don Mello affirme de son côté qu’il bénéficie de nombreux soutiens en interne. Un appui précieux qui lui aurait permis de récolter suffisamment de parrainages citoyens pour faire valider sa candidature.
Celui qui se définit comme un "démocrate, socialiste, souverainiste et panafricaniste" insiste sur la nécessité de sortir la Côte d’Ivoire de sa "dépendance" vis-à-vis de l’Occident et milite pour la création d’une monnaie africaine ainsi qu’une défense commune en Afrique de l’Ouest.
"Ces thématiques sont peu reprises dans le débat politique ivoirien. Pourtant, elles parlent à la jeunesse, qui représente plus de 70 % de l’électorat", affirme Victor Achy, vice-président du Mouvement de soutien des actions d’Ahoua Don Mello (MSA-ADM). Pour la séduire, le candidat joue également de sa stature internationale et de sa proximité avec les autorités russes.
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Mais pour le politologue Séverin Yao Kouamé, les chances d’Ahoua Don Mello reposent avant tout sur le soutien officiel des grands partis d’opposition. "Il est certes connu sur la scène internationale, mais il n’a pas de base électorale. Sa seule chance est que les acteurs du Front commun (qui regroupe les principales forces d'opposition, NDLR) le désignent comme plan B et appellent à voter pour lui", analyse-t-il.
Conscient de cet enjeu, Ahoua Don Mello tente de fédérer au-delà de l’électorat de gauche. Dans une déclaration publiée le 16 septembre sur les réseaux sociaux, il a ainsi rendu un hommage appuyé aux grandes figures exclues du scrutin : Laurent Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan et Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA (Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain). Nous partageons "presque un même parcours scolaire et professionnel", y rappelle-t-il, appelant les chefs de parti et citoyens de tous bords à soutenir sa candidature.
Pour l'heure, le PDCI-RDA, comme le PPA-CI, demeure sourd à ses demandes. Le parti de Tidjane Thiam a récemment annoncé avoir saisi le Comité des droits de l’Homme de l’ONU pour que son candidat soit finalement autorisé à rejoindre la course à la présidentielle.