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Des peines de 10 à 15 ans de prison requises contre trois "revenantes" de Syrie
Des peines allant de 10 à 15 ans de réclusion criminelle ont été requises jeudi contre trois femmes jugées à Paris pour avoir appartenu au groupe État islamique. Parmi elles, la nièce des frères Clain, qui avaient revendiqué les attentats du 13-Novembre dans la capitale française.
Des femmes dans le camp d'Al-Hol géré par les Kurdes, qui accueille des proches de combattants présumés du groupe État islamique, dans le gouvernorat de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, le 18 avril 2025. © Delil Souleiman, AFP

Pour l'accusation, elles sont des "agents" et non des "victimes". Des peines de 10 à 15 ans de prison ont été requises jeudi 25 septembre à Paris contre trois femmes accusées d'avoir appartenu à l'organisation État islamique (EI). Parmi elles figure la nièce des frères Clain, qui avaient revendiqué les attentats du 13-Novembre dans la capitale française.

"Elles n'ont pas été victimes de la terreur, mais agents de la terreur", a déclaré l'avocat général, Nicolas Braconnay, au sujet des trois accusées jugées depuis le 15 septembre par la cour d'assises spéciale de Paris.

Il a demandé respectivement 15 ans et 13 ans de réclusion criminelle à l'encontre de Christine Allain, 67 ans, mère des jihadistes Kevin Gonot et Thomas Collange, et de sa belle-fille Jennyfer Clain, 34 ans, nièce de Jean-Michel et Fabien Clain, présumés morts en Syrie.

Contre l'autre belle-fille de Christine Allain, Mayalen Duhart, 42 ans, le représentant du Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis dix ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à effet différé, elle qui est sortie de détention provisoire depuis deux ans.

Arrivées en Syrie avec leurs enfants, quatre chacune, juste après la proclamation du "califat" par Abou Bakr al-Baghdadi en juin 2014, elles vivent d'abord à Raqqa.

En 2017, face à l'avancée des forces kurdes soutenues par une coalition internationale, le clan fuit le long de l'Euphrate. Les trois femmes terminent leur périple à Azaz, près de la frontière turque, dans un camp aux conditions de vie déplorables où les violences sont monnaie courante, ont-elles raconté devant la cour.

Elles refusent de rentrer en France et vivent avec un petit groupe de femmes du groupe EI, toutes plus radicales les unes que les autres.

"Comment se déradicaliser quand on est allé aussi loin dans le fanatisme ?"

Au moindre désaccord, alors qu'elles luttent pour se nourrir, se laver, se chauffer, les excommunications des unes et des autres se succèdent, "dans une surenchère" à qui sera la meilleure musulmane, a souligné l'avocat général.

Les trois accusées sont arrêtés en 2019 avec leurs enfants, et renvoyées en France après un passage en centre de rétention en Turquie.

Un séjour en Syrie long, "qu'aucune des manifestations les plus violentes de la terreur jihadiste n'est venue remettre en cause" et qui a causé un "tort considérable à leurs enfants", note l'accusation.

"Comment peut-on avec un tel acharnement combattre pour sa servitude comme s'il s'agissait de son salut ?", s'est interrogé Nicolas Braconnay. "Comment se déradicaliser quand on est allé aussi loin dans le fanatisme ?", a-t-il poursuivi, rappelant le rôle des femmes et des familles, "au cœur du projet jihadiste colonial de l'EI".

Jennyfer Clain a aujourd'hui "choisi la lumière et mettra toute son énergie à être une bonne citoyenne", a répondu son avocat, Me Guillaume Halbique, qui a assuré que sa cliente n'adhérait plus à l'islam radical.

Arrivée avec "émerveillement" en enfer

Les trois femmes se sont converties au début des années 2000 – Jennyfer Clain avait neuf ans –, des conversions "rapides" à "un islam radical".

S'ensuit "un lent ancrage de l'idéologie jihadiste" de la famille "qui les a conduites à rejoindre dans l'émerveillement un enfer terroriste" dont elles ne pouvaient ignorer les exactions, selon Nicolas Braconnay. Comme elles ne pouvaient ignorer non plus les rôles des hommes du clan Clain, hauts placés dans la hiérarchie du groupe EI.

Fabien et Jean-Michel Clain étaient en charge de la propagande francophone et avaient revendiqué les attentats du 13-Novembre dans un chant religieux. Thomas Collange, mari de Mayalen Duhart, travaillait au sein des télécommunications du groupe, et Kevin Gonot, marié à Jennyfer Clain, a combattu à Kobané, a rappelé Nicolas Braconnay. Blessé, il continuait à percevoir des subsides du groupe, preuve de son importance dans la hiérarchie, selon l'accusation.

Christine Allain, arrivée en état de "béatitude" en Syrie, s'était vu confier une "mission" pour recueillir des témoignages sur les accusations de violences dans les maisons pour femmes tenues par le groupe EI. Elle dit avoir servi d'interprète à une "amie". Selon son avocat, Me Édouard Delattre, les "premiers doutes" de Christine Allain sur le groupe étaient apparus à ce moment-là, l'enquête ne conduisant à aucun changement au sein du groupe EI.

"Qu'elle ait pu être recrutée de manière informelle dans une organisation paranoïaque et totalitaire m'étonne", a souligné Nicolas Braconnay.

Le verdict est attendu vendredi.

Avec AFP