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Bernard Tapie a demandé mardi à la cour d'appel de Paris réparation pour la revente d'Adidas par le Crédit Lyonnais, qu'il accuse de l'avoir floué au début des années 1990. Verdict attendu le 3 décembre.

Plus de 20 ans après les faits, la cour d'appel de Paris s'est penchée, mardi 29 septembre, sur le litige qui a opposé Bernard Tapie au Crédit Lyonnais sur la revente d'Adidas. Elle rendra son verdict le 3 décembre prochain.

Saisie par le Consortium de réalisation (CDR), structure publique qui gère le passif du Crédit Lyonnais, la cour avait annulé le 17 février dernier la sentence arbitrale qui avait accordé 404 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008, avec les intérêts.

Loin de mettre un terme à la saga, cette annulation de la sentence ramène désormais la justice à sa genèse : les récriminations de Bernard Tapie contre le Crédit Lyonnais et ses filiales, qu'il accuse de s'être enrichis frauduleusement et à ses dépens dans l'opération de revente d'Adidas à Robert Louis-Dreyfus, puis de mise en Bourse de l'équipementier sportif.

La cour d'appel doit trancher deux questions principales : Bernard Tapie a-t-il été victime des agissements des sociétés du Crédit Lyonnais, comme l'assure sa défense, et peut-elle autoriser un déplafonnement du litige, comme il le demande ? Elle devrait rendre sa décision avant la fin de l'année.

Mardi, les avocats de l'ancien patron de l'OM ont eu des mots très durs pour l'ancienne banque publique et ses représentants, "génies malhonnêtes de la finance", qui auraient prémédité la "captation" des avoirs de leur client et prêté leur "main à un dessein politique", son élimination. Pour ses adversaires, il était informé du montage et aurait au contraire été sauvé de la faillite par le rachat par le Lyonnais de ses parts dans Adidas.

Plus d'un milliard d'euros pour Bernard Tapie ?

Bernard Tapie, 72 ans, qui entend faire reconnaître "sa qualité de victime", a demandé entre 516 millions et 1,174 milliard d'euros en réparation. Son avocat Emmanuel Gaillard a aussi demandé à la cour d'appel de Paris d'ajouter un "préjudice moral et personnel" : 50 millions d'euros, soit le prix de "l'intensité et la durée des attaques conduites à l'encontre des époux Tapie depuis plus de 20 ans".

En principe, la cour d'appel doit statuer en appliquant un compromis qui a plafonné le préjudice matériel et moral auquel Bernard Tapie peut prétendre. Ce plafond, qui doit être actualisé avec les intérêts légaux depuis le 30 novembre 1994, a été fixé en 2007 à 295 millions d'euros pour le préjudice matériel (plus 50 millions pour le préjudice moral).

Toutefois, Me Emmanuel Gaillard demande le déplafonnement, s'appuyant sur de nouveaux documents obtenus à l'occasion de la procédure pénale sur l'arbitrage controversé.  "Les nouvelles pièces du dossier sont révélatrices d'une préméditation, ce que les demandeurs ne savaient pas au moment d'accepter le plafond", a-t-il assuré.

Toujours selon l'avocat, le préjudice matériel non déplafonné serait aujourd'hui de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros.

>> À voir sur France 24 : "Retour sur une affaire d'État... à 403 millions d 'euros"

Au tout début des années 1990, Bernard Tapie avait acquis Adidas via sa société allemande Bernard Tapie GmBH, pour 1,6 milliard de francs, appuyé sur un pool bancaire mené par une filiale du Lyonnais, la Société de banque occidentale (SdBO).

Fin 1992, Bernard Tapie décide de cesser ses activités économiques pour se consacrer à sa carrière politique.

Président de l'Olympique de Marseille, qui règne sans partage sur le football français et couvé par le président François Mitterrand, l'homme d'affaires médiatique est au sommet quand il conclut un accord avec la SdBO qui prévoit l'apurement de ses dettes, notamment par la vente de ses parts dans Adidas, soit 80 % du capital. Il donne un mandat de vente de ses actions au Crédit lyonnais pour 2,085 milliards de francs, soit près de 320 millions d'euros.

Deux mois plus tard, le 12 février 1993, c'est chose faite, les actions étant achetées à ce prix par huit acquéreurs, dont une filiale du Lyonnais, Clinvest, des structures off-shore et une structure luxembourgeoise appartenant à l'homme d'affaires Robert Louis-Dreyfus. Or, le même jour, ce groupe d'acquéreurs consent une promesse de vente des titres à une société de "RLD" pour près de 3,5 milliards de francs, option levée fin 1994.

Pour le camp Tapie, il y a eu tromperie de la part de la SdBO et de Clinvest, avec un montage conçu à l'avance dans l'objectif de capter la plus-value sur la vente d'Adidas, notamment par le biais des structures off-shore. Il y aurait eu déloyauté du Lyonnais, banque historique de Tapie, qui n'aurait pas respecté son obligation de conseil.

Deuxième grief de l'ex-ministre : la mise en Bourse de la société en 1995, sur laquelle la banque touchera une rémunération. L'homme d'affaires assure que s'il avait été éclairé par le Lyonnais et ses entités sur un projet de mise en Bourse d'Adidas, il y aurait procédé lui-même.

Avec AFP et Reuters