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Cizre, cette ville kurde assiégée par l'armée turque depuis une semaine

La police a bloqué jeudi la marche entamée par des élus kurdes pour dénoncer le couvre-feu imposé à Cizre, dans le sud-est de la Turquie, théâtre depuis une semaine de violents combats entre l'armée turque et les rebelles kurdes.

Ankara parle de "couvre-feu", les Kurdes de "blocus". Depuis le 4 septembre, Cizre, petite ville située dans le sud-est de la Turquie, région à majorité kurde frontalière de l’Irak, est assiégée par l’armée turque. Depuis, nul ne peut en sortir, ni y rentrer. Surtout pas les élus du Parti démocratique des peuples (HDP) qui ont entamé une "longue marche" pour dénoncer l’état de siège.

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Partie à pied mercredi 9 septembre de Mardin, à quelque 150 kilomètres à l’ouest de Cizre, la caravane conduite par le chef de file du parti pro-kurde de Turquie, Selahattin Demirtas, a été stoppée à une vingtaine de kilomètres de leur destination. "Pour assurer leur sécurité", a assuré le ministre turc de l'Intérieur Selami Altinok, qui a confirmé le maintien du couvre-feu jusqu'à nouvel ordre.

Depuis une semaine, la ville kurde de Cizre est coupée du reste du pays tandis que le bilan s’alourdit. Selon Selami Altinok, les affrontements entre l’armée et les rebelles kurdes ont fait entre 30 et 32 morts dans les rangs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ainsi qu'un civil. Dix combattants rebelles y ont également été arrêtés et de nombreuses armes saisies, a-t-il ajouté.

"La principale menace : les snipers"

De son côté, le HDP affirme que 21 civils, dont plusieurs mineurs, ont été tués dans les combats. Matthieu Delmas, un journaliste français indépendant coincé dans la ville depuis le début du siège, a de son côté estimé sur RFI que plusieurs civils, dont au moins cinq enfants "ont été tués par les snipers des forces spéciales". Le journaliste décrit une situation chaotique.

"Les habitants se barricadent dans leurs quartiers en construisant des murs de sacs de sable, en perçant des passages entre les bâtiments afin de ne pas avancer à découvert. Il faut savoir que la principale menace, c’est avant tout les snipers", témoigne le journaliste, lui-même retranché. "J’ai pu voir par moi-même des tanks qui sont positionnés à chaque entrée de la ville, totalement bouclée. Personne ne peut ni entrer, ni sortir de la ville", poursuit-il.

Selon lui, des détonations n’ont cessé de retentir dans la nuit de mercredi à jeudi dans la petite ville que l’on surnomme désormais "la Kobané de Turquie", en référence à l’enclave kurde de Syrie assiégée en janvier 2015 par l’organisation de l’État islamique. La nuit dernière, des obus ont été tirés par des tanks, faisant de nouvelles victimes qui n’ont pu être évacuées.

Le HDP dénonce une prise d’otage

Le parti pro-kurde dénonce la dégradation des conditions de vie des habitants, évoquant de "sérieux problèmes d'accès à la nourriture, l'eau, les services de santé" et agité le spectre d'un "massacre de civils". "Il n'est plus possible de sortir pour acheter du pain, l'eau courante aura bientôt disparu et il n'y a plus d'électricité", a renchéri Selahattin Demirtas devant la presse. "À Cizre, 120 000 personnes sont prises en otage par l'État depuis une semaine", a-t-il résumé.

Depuis la fin juillet, les affrontements meurtriers ont repris entre l'armée et le PKK, mettant un terme aux discussions engagées en 2012 par le gouvernement d'Ankara avec les rebelles pour mettre fin à un conflit qui fait 40 000 morts depuis 1984. Le Sud-Est est, depuis, plongé dans un état de guerre. Aux embuscades du PKK, qui ont provoqué la mort de 30 soldats ou policiers depuis dimanche, succèdent les représailles de l'armée contre les bases arrière du PKK en Irak.

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Par ailleurs, cette escalade a provoqué de vives tensions dans de nombreuses villes du pays, où les locaux du HDP, dont son quartier général d'Ankara, ont été mis à sac par des militants islamistes et nationalistes favorables au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.

Avec AFP