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Attaque du Thalys : les enquêteurs veulent comprendre ce que prévoyait Ayoub El Khazzani

Les enquêteurs tentaient de comprendre, dimanche, les motivations d'Ayoub El Khazzani, l'assaillant du Thalys. Ce dernier a d'abord nié tout projet terroriste et expliqué avoir voulu détrousser les voyageurs avec des armes trouvées par hasard.

Que prévoyait Ayoub El Khazzani avant d'être maîtrisé par des passagers du Thalys salués en héros ? Avait-il des complices ? Les enquêteurs antiterroristes tentaient, dimanche 23 août, de le faire parler et fouillaient le passé de ce jeune islamiste qui semble avoir beaucoup voyagé.

Deux enquêtes sont menées : l'une par le parquet antiterroriste de Paris, l'autre par le parquet fédéral belge. La garde à vue d'Ayoub El Khazzani, dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Levallois-Perret, en banlieue parisienne, a été prolongée samedi et peut durer jusqu'à mardi soir.

Le Marocain, qui aura 26 ans le 3 septembre, a commencé par nier tout projet terroriste. Par l'intermédiaire de son interprète, il raconte avoir trouvé "providentiellement" une valise contenant une kalachnikov et un portable dans un jardin public à côté de la gare du Midi, à Bruxelles, où il a l'habitude de dormir avec d'autres sans-abris.

Sur les conseils de plusieurs d'entre eux, il monte à bord du Thalys dans l'idée de "rançonner" des passagers, rapporte son avocate, Me Sophie David. "Il pensait ensuite, en tout cas c'est ce qu'il déclare, tirer dans une vitre du train et sauter par la vitre pour s'échapper."

"Mon client ne m'a pas paru dangereux, pas vindicatif, pas revendicatif, au contraire un peu étonné de tout ce qui pouvait lui arriver", indique cette avocate au barreau d'Arras sur BFM TV. "Quand je lui rappelle pourquoi il est là, il est médusé du caractère terroriste qui est attribué à son action", rapporte-t-elle. Démentant tout commanditaire, il explique son geste "uniquement par le besoin d'argent".

Pour Wassim Nasr, journaliste à France 24 spécialiste des réseaux terroristes, il s'agit d'une stratégie de défense qui ne fait que renforcer l'amateurisme du suspect.

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Attaque du Thalys : les enquêteurs veulent comprendre ce que prévoyait Ayoub El Khazzani

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Son profil d'islamiste radical, repéré par les services de renseignements de plusieurs pays européens, oriente cependant bien les enquêteurs vers la piste d'une attaque terroriste qui aurait pu conduire à un bain de sang, si trois jeunes Américains en vacances en Europe et un homme d'affaires britannique n'étaient pas intervenus pour le désarmer.

Le jeune homme était en effet lourdement armé : un fusil d'assaut kalachnikov, neuf chargeurs garnis, un pistolet automatique Luger et un cutter.

Les héros reçus par François Hollande lundi à l’Élysée

Dans la bagarre, l'un des Américains, Spencer Stone, première classe dans l'armée de l'air américaine, grand gaillard de 23 ans au crâne rasé, a été blessé au cutter à la main, et un autre passager, un Franco-Américain vivant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), a reçu une balle.

Spencer Stone et ses amis Alek Skarlatos et Anthony Sadler (respectivement 22 et 23 ans) ont réussi à neutraliser le Marocain à peine plus âgé qu'eux, aidés d'un sexagénaire britannique, Chris Norman. Tous ont été salués en héros et seront reçus lundi à l'Élysée. Un passager français de 28 ans, qui a le premier tenté de désarmer Ayoub El Khazzani et préfère rester anonyme, sera décoré ultérieurement.

Selon les premiers éléments de l'enquête, Ayoub El Khazzani, dont l'identité a été confirmée grâce à ses empreintes digitales, "vivait en Belgique, est monté dans un train en Belgique avec des armes sans doute acquises en Belgique. Et il avait des papiers délivrés en Espagne", a résumé une source proche du dossier.

El Khazzani a vécu sept ans en Espagne, de 2007 à mars 2014. Il y était arrivé à l'âge de 18 ans, s'installant d'abord à Madrid puis à Algésiras, en Andalousie, où il s'est fait remarquer par des discours durs légitimant le jihad. Le jeune homme fluet et de taille moyenne y a vécu de petits emplois, et a été détenu une fois pour "trafic de drogue", selon une source des services antiterroristes espagnols.

Un numéro de signalement mis en place par la SNCF

Il avait été repéré par les services de renseignement espagnols, qui l'avaient signalé à leurs confrères français. Son signalement a conduit la DGSI à émettre une "fiche S" à son sujet, ce qui a permis de localiser El Khazzani en Allemagne, le 10 mai, lorsqu'il prend un vol pour la Turquie. Sa fiche "était classifiée S3, S pour signalement et 3 pour le degré de... dangerosité", explique le "Journal du Dimanche", en précisant que le classement va de 16 pour le signalement le moins grave à 1 pour le plus inquiétant.

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Attaque du Thalys : les enquêteurs veulent comprendre ce que prévoyait Ayoub El Khazzani

Selon les renseignements espagnols, l'homme serait parti de France en Syrie, ce que l'intéressé a nié lors de sa garde à vue, et serait ensuite revenu dans l'Hexagone.

Interrogé pour la première fois dimanche 23 août par le journal britannique "The Daily Teleghraph", le père du suspect, Mohamed El Khazzani, a déclaré n'avoir "aucune idée de ce qui avait pu passer par la tête" de son fils. Les deux hommes ne seraient pas parlés depuis plus d'un an. Le père du suspect le décrit comme un "bon garçon, très travailleur" qui préférait parler de "football et de pêche" plutôt que de politique.

Huit mois après les attentats contre "Charlie Hebdo" et un supermarché casher à Paris, l'attaque déjouée vendredi a conduit la Belgique à renforcer les mesures de sécurité dans les trains et les gares. En France, la SNCF a instauré un numéro de signalement des "situations anormales", mais exclut de mettre en place des contrôles sur les quais comme dans les aéroports.

Le président de la SNCF Guillaume Pepy a par ailleurs annoncé qu'il recevrait l'acteur Jean-Hugues Anglade, qui se trouvait dans le train attaqué et accuse les agents de la rame d'avoir abandonné les passagers à leur sort.

Avec AFP