
Paris Plages avait pris jeudi les couleurs de Tel Aviv. Opposés à cette initiative de la mairie de Paris, plusieurs mouvements pro-palestiniens ont organisé "Gaza plage". Le conflit israélo-palestinien s'est invité sur les quais de Seine. Reportage.
"Vous avez vu tous les contrôles qu’il faut passer, on se croirait aux check points d’Israël !". La comparaison est sans doute un peu excessive, mais pour Saad Jouini, membre de la section nîmoise du mouvement palestinien BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions), tout est révoltant dans l’opération "Tel Aviv sur Seine", même les contrôles policiers.
Ce jeudi 13 août, les "check points" en question sont tenus par quelques uns des 500 gendarmes et policiers mobilisés pour sécuriser l’événement. Plus d’une semaine après la naissance de la polémique sur les réseaux sociaux, plusieurs associations de soutien à la Palestine ont appelé au boycott de "Tel Aviv sur Seine", journée au cours de laquelle animations, jeux et stands inspirés de l'ambiance de la ville balnéaire israélienne étaient prévus.
À quelques minutes de l’ouverture, les organisateurs de la journée sont sur le pont. Deborah, 35 ans, travaille pour le festival du cinéma israélien de Paris. En tant que professionnelle de la culture venue soutenir ses collègues, elle estime qu’il n’est pas normal qu’une telle polémique soit née autour du projet. "Je ne crois pas qu’ici ce soit une tribune politique […] Les arts et la culture, c’est de l’échange, c’est tout".
En fin de matinée, sous le pont Notre-Dame, une dizaine de CRS se positionnent sur deux rangs. La tension monte d’un cran car, à midi, l’organisation EuroPalestine doit lancer son opération "Gaza plage". Faute d’avoir obtenu l’annulation de "Tel Aviv sur Seine", l’organisation de défense des Palestiniens a décidé de faire entendre son opinion avec une contre-manifestation.
"Je regrette d’être venu"
"Nous allons expliquer aux gens ce qui se passe à côté et dénoncer la collaboration de nos dirigeants avec le gouvernement d’Israël", explique Olivia Zemor, présidente d’EuroPalestine depuis sa création, il y a 13 ans.
Dans une lettre ouverte publiée le 11 août dans "Le Monde", la maire de Paris avait tenté d’apaiser les esprits, affirmant que Tel Aviv était une ville progressiste "détestée à ce titre en Israël par tous les intolérants".
Mais le texte n’a pas convaincu les militants. "Madame Hidalgo n’a pas expliqué en quoi Tel Aviv est une ville progressiste", estime Olivia Zemor, tee-shirt vert "Free Palestine" sur le dos. "[Paris plage] n’est pas du tout le lieu, ni le moment de faire de la propagande pour un État criminel", ajoute-t-elle.
Les membres d’EuroPalestine sont venus avec des dizaines de pancartes et banderoles. Pendant que certains tentent de hisser sur les murs des berges un immense drapeau palestinien, d’autres installent les stands de tee-shirts, huile d’olive et épices à vendre sous le regard des nombreux journalistes présents.
Face à cet étrange ballet, quelques vacanciers téméraires tentent encore depuis leur transat de profiter de la journée. Mais l’intrusion du conflit israélo-palestinien sur les bords de Seine laisse un goût amer dans la bouche de Mourad, venu à la plage avec sa fille de trois ans.
"Je n’étais pas au courant de cette journée et je regrette presque d’être venu. Ma gamine pose des questions, elle se demande ce qu’il se passe […] En principe Paris plage est une fête mais là, la fête est gâchée", lâche-t-il désabusé.
Entre le pont Notre-Dame et le pont au change, sur les quais investis par EuroPalestine, des débats aussi spontanés que stériles naissent au milieu de la foule. "Les bombes de Gaza sont des jouets comparés aux bombes israéliennes", assène une bénévole d’EuroPalestine à une dame qui lui tient tête.
"On se croirait à l’aéroport"
En début d’après-midi, sous les regards éberlués des touristes étrangers, les compagnies de CRS font la navette entre les ponts qui surplombent les plages parisiennes. Quelques militants pro-palestiniens continuent de déambuler sur les trottoirs, donnant par moment une interview à un journaliste ou engageant la discussion avec des passants.
Deux cent mètres plus loin, au niveau du pont d’Arcole, la queue d’accès à "Tel Aviv sur Seine" grossit à vue d’œil. Les contrôles policiers se poursuivent, rassurants pour les uns, excessifs pour les autres. "On se croirait à l’aéroport", plaisante un visiteur.
Sur les 20 mètres de la voie Georges Pompidou dédiés aux animations, la fête bat son plein. Face aux enceintes qui crachent des tubes que les habitués de la station balnéaire israélienne reconnaissent, des jeunes filles improvisent quelques pas de danse, un drapeau israélien noué autour du cou pour s’en faire une cape. Malgré la polémique, en fin d'après-midi, aucun incident majeur n'était venu perturber la journée.
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