Une pièce de théâtre explorant la radicalisation de jeunes musulmans britanniques a été annulée dix jours avant sa première représentation, qui devait se tenir le 12 août à Londres. Les auteurs du spectacle évoquent des pressions extérieures.
L'œuvre était ambitieuse mais ne sera finalement pas présentée aux Londoniens. Deux semaines avant la première, la pièce de théâtre "Homegrown" qui devait mettre en scène 112 jeunes acteurs britanniques, âgés de 15 à 25 ans, exposant les raisons qui poussent certains d’entre eux à rejoindre les rangs du groupe État islamique (EI) en Syrie, a été annulée, rapporte le quotidien "The Guardian".
Nadia Latif et Omar El-Khairy, les deux auteurs de ce spectacle produit par le National Youth Theatre (NYT), affirment n’avoir été prévenu de l’annulation qu’au dernier moment. "Nous n’avons pas été avertis préalablement. Nous avons reçu un courriel jeudi soir [30 juillet] nous informant que le spectacle était annulé", soutient la première qui évoque des "pressions extérieures".
La troupe délocalisée
Depuis des mois, "Homegrown" fait en effet l’objet de controverse. En juin, des élus de Bethnal Green, visiblement peu rassurés par le thème de la pièce, avaient obtenu que les représentations, programmées du 12 au 27 août, se déroulent dans un autre quartier. Le spectacle avait ensuite suscité l’attention des forces de l’ordre. Selon ses deux auteurs, la police aurait en effet demandé à lire le texte de la pièce et projeté de faire encadrer les représentations par des officiers. De son côté, le NYT refuse de parler de censure et affirme dans un communiqué que le résultat n’était pas suffisament convaincant.
Nadia Latif et Omar El-Khairy ont eu l’idée de monter "Homegrown" en février lorsque trois adolescentes de Londres étaient parties en Syrie pour faire le jihad. Les dialogues ont été conçus sur la base d’ateliers de jeunes invités à débattre sur l’islam au Royaume-Uni.
"Hystérie"
En termes de mise en scène, la pièce devait se dérouler dans les couloirs d’une école où les spectateurs étaient censés capter les conversations des élèves. “Le spectacle avait pour but de réfléchir intelligemment sur une question qui suscite l’hystérie, déplore Nadia Latif dans les colonnes du quotidien britannique. Sans donner d’explications et sans que la pièce n’ait été vue, on préfère réduire des voix au silence. Tout ça parce que nous vivons dans une atmosphère de peur."
En juin, le directeur du NYT assurait au "Guardian" que sa compagnie ne craignait aucunement que des questions sensibles soient abordées dans la pièce. "Peut-être que le résultat final va diviser, disait-il. Mais cela vaut le coup de tenter car le théâtre est un médium très puissant lorsqu’il s’agit d’explorer des sujets qui mettent le gens mal à l’aise."