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Le milliardaire russe Yuri Milner a annoncé le lancement du programme Breakthrough Listen, destiné à donner un coup de pouce à la recherche d’une forme de vie extraterrestre intelligente. Il dote ce projet d’un budget de 100 millions de dollars.

Trouver E.T. vaut bien un gros chèque de 100 millions de dollars. C’est en tout cas l’avis du milliardaire russe Yuri Milner qui a annoncé, lundi 20 juillet, le lancement de Breakthrough Listen, un programme financé sur fonds propres dont l’objectif est de "scanner" l’univers pendant 10 ans dans l’espoir d’entrer en contact avec une forme de vie extraterrestre.

Ce programme représente l’effort financier le plus conséquent en 50 ans de recherche scientifique pour localiser une forme de vie intelligente dans l’univers. Pour en faire la promotion, Yuri Milner s’est entouré notamment du célèbre astrophysicien britannique Stephen Hawking et de l’Américain Frank Drake, le premier homme à avoir pointé un télescope radio vers le ciel dans l’espoir d’entendre un message extraterrestre. C’était en 1960 et il n’avait, alors, qu’un budget de 2 000 dollars. "C’est dire tout le chemin parcouru depuis", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse lundi 20 juillet.

Être branché sur le bon canal pour entendre E.T.

"Nous pensons que la vie est apparue de manière spontanée sur Terre, donc dans un univers infini, il doit y avoir d’autres occurrences de vie... Nous sommes vivants, nous sommes intelligents, nous devons savoir", a assuré pour sa part Stephen Hawking. Pour ce faire, Yuri Milner est prêt à dépenser une fraction de sa fortune bâtie en investissant dans plusieurs success-stories de la Silicon Valley (Facebook et Twitter) pour briser le silence cosmique.

Car, depuis les années 1960, les scientifiques utilisent toujours la même technique pour tenter d'entrer en contact avec le troisième type : ouvrir très grand les oreilles. Plusieurs télescopes radio sur Terre sont capables d’écouter l’espace pour y débusquer un son extraterrestre. Mais le problème n’est pas seulement de tomber sur un éventuel message d’E.T., mais aussi d’être branché sur le bon canal. Il existe, en effet, plusieurs milliards de fréquences radio. Difficile, voir impossible de les écouter toutes en même temps.

Les 100 millions de dollars de l’investisseur russe doivent, en grande partie, servir à améliorer les capacités d’écoute. Les fonds aideront ainsi à bâtir un nouveau télescope à l’université de Berkeley (Californie), capable de capter simultanément 1,5 milliard de fréquences. Le SETI (Search for ExtraTerrestrial Intelligence) Institute - actuellement la référence en la matière - peut seulement en scanner quatre en même temps.

"Internet galactique" ?

Les fonds du Breakthrough Listen permettront aussi aux scientifiques d’acheter du temps d’écoute. Yuri Milner a décidé de financer 20 % du budget de deux télescopes radio - le Green Bank Telescope en Virginie-Occidentale (États-Unis) et le CSIRO Parkes Telescope australien - qui étaient menacés de fermeture en ces temps de disette budgétaire mondiale. Il récupère, en retour, 20 % du temps d’activité de ces installations qui seront dédiées à la traque d’extraterrestres. Il sera ainsi possible de récupérer, en une journée, ce que les équipes qui travaillent sur ces questions mettent aujourd'hui un an à collecter.

Mais il n’y a pas que le son qui intéresse ces astrophysiciens. Ils utiliseront aussi les équipements d’observation pour chercher de la lumière venue de l’une ou l’autre des planètes de la galaxie. Plus précisément, il s’agit de détecter un faisceau laser qui est "un très bon moyen de communiquer car c’est très lumineux, le faisceau ne s’éparpille pas dans l’espace et il n’y a qu’une fréquence, donc il est facile à capter", explique au site PopScience Geoff Macy, un astrophysicien associé au programme Breakthrough Listen. Le pari de cet expert est qu’une civilisation extraterrestre avancée est susceptible de communiquer par ce biais, comme s’il s’agissait d’une sorte "d’Internet galactique".

L'échec de la Nasa

Yuri Milner veut que tous ces efforts soient aussi transparents que possibles. Il a promis que l’intégralité des données relevées par les télescopes seraient accessibles en ligne. Une manière pour le public de participer à la recherche du petit "E.T. téléphone maison" qui pourrait traîner sur l’une ou l’autre des bandes d’enregistrements.

Cette initiative privée souligne aussi à quel point les pouvoirs publics sont absents de ce terrain de recherche. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les années 1970, plusieurs universités soviétiques - donc financées par l’État - ont tenté de capter des signaux extraterrestres.

Mais c’est surtout aux États-Unis que le rêve américain voulait aller à la rencontre du troisième type. Entre 1983 et 1993, la Nasa a officiellement abrité une équipe de recherche SETI dont l’unique but était de trouver une trace de vie extraterrestre intelligente. Mais en 1993, le Congrès américain a tué le programme qui était, d’après ses opposants, une "dépense inutile de l’argent du contribuable". Cette équipe avait demandé à bénéficier d’un budget de 100 millions de dollars sur 10 ans. Vingt ans plus tard, et alors que la Guerre Froide est un lointain souvenir, c’est un Russe qui va accorder aux scientifiques ce que le Congrès américain leur avait refusé.