Le dignitaire chiite irakien Moqtada al-Sadr a accordé un entretien exclusif à France 24. Il y dénonce l’avancée de l'organisation de l’État islamique en Irak et accuse les États-Unis d'être incapables "d'y mettre un terme". Il revient également sur les guerres au Yémen et en Syrie et sur la montée des tensions entre chiites et sunnites au Moyen-Orient.
Le dignitaire religieux ne s’exprime que très rarement dans les médias. Après un an de négociations, Moqtada al-Sadr, chef de file d'un courant chiite incontournable sur la scène politique irakienne, a accordé une interview exclusive à France 24. Notre journaliste Michel Kik l’a rencontré le 13 juin 2015 dans ses bureaux de Najaf, haut lieu saint chiite à 160 km au sud de Bagdad.
Durant cet entretien exceptionnel de 45 minutes, le leader chiite revient sur l’avancée de l’organisation de l’État islamique (EI) en Irak et fait part de son inquiétude concernant les lieux saints chiites de Najaf et Karbala, qu’il estime "menacés". Il évoque aussi la montée des tensions entre sunnites et chiites en Irak, les interventions iranienne et saoudienne dans la région, et la création des "Brigades de la paix" (Saraya Salam, en arabe), ces volontaires chiites qui combattent l’EI sur le terrain.
"Les Etats-Unis ne savent que semer la division"
Celui qui a dirigé une milice - l'Armée du Mahdi - jusqu'au départ des troupes américaines d'Irak, fin 2011, revient également sur le rapport tendu entre les États-Unis et les milices irakiennes. "Les États-Unis ne savent faire qu’une chose : semer la division", assène-t-il. "L’Amérique distribue des armes aux sunnites, aux chiites, aux Kurdes, renforçant les tensions interconfessionnelles", accuse Al-Sadr.
"L’Amérique ne peut pas dire : ‘Je suis un pays puissant, je suis une grande nation’. Elle doit se réveiller et revenir à la réalité, car les combattants de Daesh sont 5 000 tout au plus, et 'la nation la plus puissante au monde' n’arrive pas y mettre un terme."
Yémen : une guerre "injuste"
Interrogé sur la crise au Yémen, Moqtada al-Sadr déclare considérer la guerre menée par l'Arabie saoudite "injuste". "L'intervention saoudienne accentue le conflit intercommunautaire. Si l'Arabie saoudite arrêtait sa guerre contre le Yémen, ce serait plus facile d'obtenir la paix et la stabilité dans la région et d'apaiser les tensions entre sunnites et chiites", estime-t-il.
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