logo

Manuela Carmena, une "indignée" à la mairie de Madrid

À 71 ans, l’ancienne magistrate Manuela Carmena est la première élue de gauche à remporter la mairie de Madrid. Cette ex-opposante communiste à Franco entend débarrasser la ville de la corruption.

"Je suis bien plus intéressée par l'amélioration de la vie des gens que par la politique", déclarait Manuela Carmena dans une récente interview accordée au quotidien "El Pais". À 71 ans, cette ancienne magistrate a été officiellement choisie vendredi 12 juin pour prendre la tête de Madrid.

Première élue de gauche à diriger la capitale espagnole après 24 ans de règne du Parti Populaire (PP), cette ex-militante communiste n’avait, dit-elle, pas l’intention de se présenter. À la retraite depuis dix ans après avoir été juge d'instruction, juge d'application des peines, membre du conseil supérieur de la magistrature et du Tribunal Suprême, elle avait ouvert un magasin de vêtements pour enfants réalisés par des femmes incarcérées ou en réinsertion sociale. "Des amis m'ont dit : ‘Allez, file un coup de main, il faut quelqu'un avec de l'expérience, qui amène beaucoup de propositions’", a-t-elle raconté.

C’est donc pour "filer un coup de main" que Manuela Carmena, née le 9 février 1944 dans une famille de commerçants madrilènes, s’est engagée dans la bataille électorale au sein de Ahora Madrid, contre la liste menée par son adversaire du PP, Esperanza Aguirre.

En pleine campagne, lors d’un débat à la télévision régionale, la magistrate blonde au sourire doux en apparence avait fait face à l’ex-ministre, ex-présidente du Sénat et présidente PP de la région de Madrid entre 2003 et 2012 : "Je ne te comprends pas, Esperanza... Qu'après nous avoir fait tant de mal, tu veuilles encore gouverner. Tu as fait un mal terrible à la démocratie".

>> À voir sur France 24 : "Élections en Espagne : la droite de Mariano Rajoy punie, percée des Indignés"

Le 24 mai, moins de deux semaines plus tard, les Madrilènes ont donné 21 sièges à la liste d'Esperanza Aguirre et 20 à celle de Manuela Carmena, candidate d'une plateforme comprenant des "indignés" et le parti antilibéral Podemos notamment. Manuela Carmena a remporté la mairie grâce au ralliement du Parti socialiste qui dispose de neuf sièges.

"Préparez-vous à de nouvelles choses"

Le nouvel édile a prévenu que les choses allaient changer. Et pour cela, la première maire de Madrid issue de la société civile entend s’inspirer de Copenhague, son modèle de ville. Adepte des déplacements en vélo, elle souhaite faire de Madrid une ville plus verte et un laboratoire de la démocratie participative.

Parmi les mesures phares déjà décidées, Manuela Carmena propose de lutter contre la corruption, de renforcer les transports en commun, d'aider les plus pauvres, d'ouvrir la gestion de la mairie aux citoyens et de diviser par deux son salaire, de 100 000 à 45 000 euros par an.

"Je crois que la classe politique nous a fait faux bond, elle n'a pas su faire la politique qu'exigeait cette fin de XXème et le XXIème. La société souhaite une démocratie beaucoup plus directe qui est rendue possible par les nouvelles technologies", a notamment expliqué la magistrate, justement portée au pouvoir par des primaires ouvertes auxquelles ont participé 16 000 citoyens sur Internet.

Manuela Carmena, qui se dit indépendante et n'a pas hésité à critiquer Podemos pour n'avoir pas assez ouvertement dénoncé la répression d'opposants par le gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela, assure aussi qu'elle dirigera pour tous et cherchera à convaincre ses adversaires de l'intérêt du "changement". "Changer peut être merveilleux, changer pour le mieux, pour une ville plus décente, plus équilibrée, innovatrice, efficace... cordiale", a-t-elle assuré.

Un plan de lutte contre les inégalités à Barcelone

Un changement a également eu lieu à Barcelone où Ada Colau, 41 ans, une militante anti-expulsions, est sûre d'être la prochaine maire.

>> À lire sur France 24 : "Ada Colau, des squats à la mairie de Barcelone"

La liste de l'activiste a obtenu 11 sièges sur 41 contre dix pour celle du maire sortant Xavier Trias, un conservateur nationaliste, et cinq pour le parti de centre droit Ciudadanos. Une fois dans son fauteuil de maire, elle entend mettre en œuvre un plan de choc contre les inégalités à Barcelone, prévoyant de stopper les expulsions de logements, de baisser les tarifs de l'énergie et de mettre en place un revenu minimum de 600 euros.

La gauche a emporté d'autres grandes villes dont Valence, dans l'est, l'autre bastion de la droite, mais aussi Séville.

Avec AFP et Reuters