
Les musulmans de France ne sont, une nouvelle fois, pas à l’abri d’un désaccord sur la date de début du ramadan. Si les adeptes du calcul astronomique ont arrêté la date du 18 juin, les partisans de l'observation lunaire n’ont pas tranché.
Les musulmans de France vont-ils tous commencer le ramadan le même jour cette année ? Rien n’est moins sûr. Si les partisans du calcul astronomique – dont l'Union des organisations islamique de France (UOIF), proche des Frères musulmans - ont déjà fixé le début du jeûne le 18 juin, ceux qui préfèrent se référer à l’observation lunaire - tel le Conseil français du culte musulman (CFCM) - ne sont pas encore prononcées.
Traditionnellement, c'est cette dernière méthode qui prévaut. Dite "Nuit du doute", elle suit un hadith (commentaire oral) du prophète : "Ne jeûnez que lorsque vous verrez le croissant lunaire et ne rompez le jeûne que lorsque vous le verrez aussi". D'autres fidèles adoptent, eux, la méthode du calcul astronomique, qui consiste à déterminer à l'avance les dates du ramadan, neuvième mois lunaire de l'année par le calcul.
La question peut paraître technique, mais elle est centrale pour déterminer le début - et la fin - de ce jeûne qui constitue le quatrième pilier de l'islam. Le rite est massivement suivi, avec plus de 70 % de jeûneurs parmi les quelque 5 millions de musulmans en France, selon les estimations.
Lutte d’influence
Le débat sur sa date illustre les luttes entre différents groupes d’influence en France. La Grande Mosquée de Paris, dont le recteur Dalil Boubakeur préside le CFCM jusqu'au 30 juin, a annoncé une "Nuit du doute fidèle à sa tradition" qui remonte à 1926. Ainsi, si le premier croissant lunaire est observé le 16, le ramadan commencera dès le lendemain. Dans le cas contraire, il débutera le surlendemain, le 18. En cas de doute, la Grande Mosquée suivra la décision de pays arabes, dont l'Arabie saoudite qui donne souvent le la.
L'islam institutionnel algéro-marocain, qui régit le CFCM, n’est pas isolé dans son choix. Il est même soutenu par des alliés dans des courants salafistes, hostiles à l’UOIF . Des prédicateurs en vue, tels Rachid Abou Houdeyfa et Nader Abou Anas, ont posté une vidéo sur la Toile pour défendre l'observation et suivre "l'opinion majoritaire des savants". Un Observatoire lunaire des musulmans de France a même été créé en 2014.
Mais l’UOIF ne démord pas de son choix de calcul. Elle a prévu que "la vision du croissant lunaire sera impossible avant le coucher du soleil du 17 juin". Par conséquent, "le premier jour du mois béni de ramadan pour l'année 1436 sera par la volonté de Dieu le jeudi 18 juin".
Le traumatisme de 2013
Personne ne souhaite revivre le psychodrame de 2013. Le CFCM avait alors cru bien faire en adoptant la règle du calcul astronomique pour fixer à l'avance le ramadan, et permettre aux fidèles de mieux anticiper ce moment fort. Mais l'instance avait dû repousser in extremis le ramadan d'un jour en s'alignant sur la position des pays arabes, sous la pression de fidèles désorientés.
Pour éviter pareille mésaventure l'an dernier, le CFCM était revenu en 2014 à l'observation de la Lune lors d'une "Nuit du doute". Mais l'UOIF et les fédérations de sensibilité turque avaient maintenu leur choix du calcul, Coran à l'appui ("Le soleil et la Lune obéissent à un calcul"). Bis repetita cette année.
Avec AFP