
Trois sœurs de l’aristocratie chrétienne vivant recluses à Ramallah se mettent en tête de trouver un mari à leur nièce. Sous son ironie, "La Belle Promise", de la Palestinienne Suha Arraf, cache un conte noir et désespéré sur le repli communautaire.
Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent dans les salles françaises. Cette semaine, le conte noir "La Belle Promise" de Suha Arraf, et le controversé "Un Français" qui retrace le parcours d'un skinhead repenti.
"La Belle Promise" aurait pu s’appeler "Cinq mariages et sept enterrements". Soit le nombre de rassemblements familiaux auxquels les trois sœurs Touma ont participé, bon gré mal gré, dans l’espoir de trouver un mari à leur jeune orpheline de nièce, Badia. Toujours en vain. Car à Ramallah, où cette petite famille de chrétiennes vit en autarcie, les hommes bien sous tous rapports ne courent plus les rues. La grande majorité des jeunes chrétiens ont effectivement quitté la Cisjordanie pour les États-Unis…
Qu’il est loin ce temps où l’aristocratie chrétienne de Palestine jouissait d’un statut social lui faisant croire à sa supériorité. Depuis la Guerre des Six-Jours, en 1967, la communauté a perdu ses terres et de sa splendeur. Comme figées dans le temps, recluses dans leur villa, Juliette, Antoinette et Violette Touma tentent malgré tout de sauver les apparences en vivant selon les us et coutumes hérités de leurs ancêtres.
"My Fair Lady" à Ramallah
Lorsqu’à 19 ans Badia débarque de son orphelinat, c’est avec stupeur qu’elle découvre le train de vie monacal auquel les sœurs s’astreignent. À la Villa Touma, on respecte les horaires du souper, on s’interdit d’aller au café, on ne sort ses beaux vêtements que pour la messe et on ne parle pas familièrement au jardinier musulman. Aussi, pour lui trouver un époux (seul moyen de prolonger une lignée menacée d’extinction), les sœurs doivent apprendre à la nonchalante jeune fille les choses que toute femme de la bonne société se doit de maîtriser : le port altier, le français et le piano.
De ce récit d’apprentissage à la "My Fair Lady", Suha Arraf tire une fable pleine d’ironie et d’humour pince-sans-rire qui pâtissent toutefois d’un sérieux manque de rythme pour être percutants. Comme si le film n’osait jamais accélérer le lent tempo imprimé par le pendule trônant dans le salon de la villa. Même lorsque la farce douce-amère vire au drame, "La Belle Promise" coule tel un fleuve tranquille.
Car sous ses dehors bonhomme (ou plutôt bonne femme), le premier long-métrage de Suha Arraf en tant que réalisatrice (elle s’est fait connaître jusque-là comme scénariste de "La Fiancée syrienne" et des "Citronniers") cache une vision très sombre sur le repli communautaire. Un refus d’ouverture au monde qui, nous dit la cinéaste, ne peut avoir que des conséquences funestes. On aurait préféré toutefois que le film n’attende pas la fin abrupte (qu’on ne révélera pas ici) pour se montrer tel qui l’est : un conte noir et désespéré sur le délitement d’un monde.
-"La Belle Promise" de Suha Arraf, avec Nisreen Faour, Cherien Dabis, Ula Tabari, Maria Zreik... (1h25).