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Révélations en cascade sur les pratiques de corruption à la Fifa

Le week-end des 6 et 7 juin a été riche en révélations sur les scandales de corruption à la Fifa, notamment pour l'attribution des Coupes du monde 2006 et 2010. Le retrait de l'organisation des Mondiaux 2018 et 2022 a également été évoqué.

La Fifa est décidément un puits sans fond pour qui s’intéresse aux affaires de corruption. Le week-end des 6 et 7 juin a ainsi été marqué par de nouvelles révélations, qui viennent ternir un peu plus l’image déjà peu reluisante de l’instance dirigeante du football mondial. Après le scandale sur l'argent versé par la Fifa à la Fédération irlandaise pour éviter des poursuites après le but de la main de Thierry Henry contre l’Irlande, ce sont des accusations venues d’Égypte, du Maroc, d’Afrique du Sud et d’Allemagne qui ont allongé la liste des affaires de pots-de-vin à la Fifa.

Les affaires sont tellement nombreuses que la Fédération internationale a fini par évoquer du bout des lèvres, dimanche, l’éventualité d’un retrait de l’organisation des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar.

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"S'il existe des preuves que le Qatar et la Russie ont obtenu [ces Coupes du monde] grâce seulement à des pots-de-vin, alors elles pourraient leur être retirées", a reconnu Domenico Scala, président du Comité d'audit de la Fifa, dans un entretien à l'hebdomadaire suisse "Sonntagszeitung".

Même si ce dernier a multiplié les conditionnels et pris le soin d'ajouter que "ces preuves n'ont pas été fournies" jusqu'à présent, cette déclaration est bien le signe que le florilège de révélations des derniers jours est en train de changer la donne dans le football mondial. Petit tour d’horizon des dernières fuites en date.

• L’Égypte accuse la Fifa de chantage

L’ancien ministre des Sports égyptien a accusé, dimanche 7 juin, l’ancien vice-président de la Fifa, le Trinidadien Jack Warner, de chantage au vote concernant le Mondial-2010. "Il pouvait nous assurer sept votes et il demandait un million de dollars pour chaque vote", a insisté Aley Eddine Helal auprès de l'AFP. "Mais notre décision a été de ne pas tomber là-dedans", a assuré l'ancien ministre. Résultat du vote, en 2004 : zéro voix pour l'Égypte et le Mondial attribué à l'Afrique du Sud.

• Des millions de dollars dans la poche de Jack Warner

La BBC a révélé dimanche que plusieurs millions de dollars auraient été détournés au profit de ce même Jack Warner, lorsqu'il était à la tête de la Concacaf (Confédération d'Amérique du nord, centrale et des Caraïbes). En 2008, ce sont en effet 10 millions de dollars qui ont été transférés par la Fifa vers les comptes de cette fédération continentale. Cet argent était en principe destiné à l'organisation du Mondial-2010 mais a finalement été officiellement offert par la Fédération sud-africaine à la Concacaf pour un programme d'aide à la diaspora africaine dans les Caraïbes. Mais selon la BBC, qui diffuse sur son site Internet des photos des documents bancaires accusateurs, c’est bien Jack Warner et ses proches qui ont profité de l’essentiel de cette manne.

Presque 1,6 million de dollars ont ainsi servi à payer des dépenses de cartes de crédit et des prêts personnels de l'ancien vice-président de la Fifa ; 360 000 dollars ont été retirés directement par des gens liés au Trinidadien et 4,8 millions de dollars sont partis sur les comptes des supermarchés JTA, avant de revenir en grande partie en liquide dans les poches de Jack Warner.

"Nous nions catégoriquement que [ces 10 millions de dollars] aient été un pot-de-vin en échange d'un vote" pour que l'Afrique du Sud obtienne le Mondial-2010, a rétorqué la Fédération sud-africaine de football via un communiqué : "Cela passe sous silence le travail mené par Madiba (Nelson Mandela), l'archevêque (Desmond) Tutu, le gouvernement sud-africain et beaucoup d'autres qui ont sacrifié leur temps, leur argent et leur vie de famille pour rendre fier notre pays".

• Le Maroc spolié lors du vote pour l’attribution du Mondial 2010

Selon le journal sud-africain "Sunday Times" du 7 juin, le vote attribuant l’organisation de la Coupe du monde 2010 à Johannesburg aurait en réalité été gagné par le Maroc. Ce ne serait que grâce à l’intervention de l'inévitable Jack Warner que celle-ci se serait finalement déroulé en Afrique du Sud. Selon le "Sunday Times", le Maroc aurait pourtant payé un pot-de-vin de 1 million de dollars au Trinidadien. Mais celui-ci aurait changé son choix à la dernière minute car il avait reçu davantage d’argent de l’Afrique du Sud.

• Des armes et des investissements allemands pour le Mondial 2006

L’hebdomadaire allemand "Die Zeit" a révélé que le gouvernement de Gerhard Schröder avait livré en 2000 des lance-grenades à l’Arabie saoudite pour s’assurer de son vote lors de l’attribution de l’organisation du Mondial-2006. De même, plusieurs entreprises allemandes sont accusées d’avoir investi des sommes importantes en Asie pour faire gagner quelques voix supplémentaires à la candidature allemande. Selon "Die Zeit", Daimler aurait ainsi injecté plusieurs centaines de millions d’euros dans Hyundaï, une entreprise dont le fils d'un des fondateurs siège au conseil d’administration de la Fifa. Les noms de Volkswagen et Bayer sont également mentionnés par l’hebdomadaire allemand, qui évoque aussi d’importants investissements en Corée du Sud et en Thaïlande. L’Allemagne avait obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2006 aux dépens de l’Afrique du Sud après un scrutin très serré (12 voix contre 11).

Toutes ces révélations ne semblent toutefois pas avoir ébranlé Jack Warner, sous le coup d’une demande d’extradition de la justice américaine. Âgé de 72 ans, le Trinidadien s'est ainsi tranquillement rendu à son bureau, samedi 6 juin, au sud de Port-d’Espagne, la capitale de Trinité-et-Tobago, où il est député. À son arrivée, une longue file de ses partisans attendaient depuis 2 h du matin afin d'être reçus par celui qui se présente "comme un Robin des bois".

Mais la pression monte. Le ministre de la Justice de cette île située en mer des Caraïbes, Prakash Ramadar, lui a ainsi demandé, dimanche, sur la chaîne britannique Sky News, d'aller se rendre aux enquêteurs américains à New York : "S'il aime son pays, c'est ce qu'il doit faire".

Avec AFP