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Les États-Unis, la France et la protection des abeilles vitales pour l'économie

Les États-Unis et la France veulent protéger les abeilles, de plus en plus menacées. La raison est simple : ces insectes pollinisateurs, dont la disparition coûterait 153 milliards de dollars par an, sont essentiels pour le monde agricole.

Barack Obama et Ségolène Royal, même combat : les abeilles. Le président américain a présenté, mardi 19 mai, un vaste plan de soutien aux pollinisateurs en danger et la ministre française de l’Écologie s’est prêtée, le lendemain, au même exercice.

“C’est un réveil politique bienvenue même s’il peut être jugé tardif puisque l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a tiré la sonnette d’alarme dès 2002”, souligne à France 24, Axel Decourtye, directeur scientifique de l’Institut de l'abeille.

L’usage intensif de pesticides pour protéger les récoltes contre les parasites abaisse les défenses immunitaires des abeilles qui sont, alors, plus sensibles aux maladies, tandis que leur source de nourriture (les fleurs) est menacée par l’urbanisation. Ainsi, la population de cet insecte, qui est le principal pollinisateur (et assure ainsi la reproduction de 80 % des plantes de la planète) diminue au fil des ans.

Maya l'abeille pèse lourd économiquement

Pour la Maison blanche, il est dorénavant urgent d’agir et l’exécutif demande, entre autres, 80 millions de dollars pour voler au secours des précieux hexapodes. Dans certains États américains, 60 % des colonies d’abeilles domestiques ont disparu en un an. Le phénomène est aussi perceptible en Europe, où “certaines espèces d’abeilles sauvages ont disparu tandis que d’autres sont clairement menacées”, rappelle le spécialiste français.

Cette mobilisation des deux côtés de l’Atlantique ne se fait pas en mémoire des bons moments passés à regarder Maya l’abeille, la fameuse série d'animation japonaise. Barack Obama a indiqué que les “abeilles sont essentielles à l’économie nationale”. En fait, elles seraient même vitales à l’économie mondiale. Depuis une étude française de 2005, les scientifiques estiment qu’une disparition de ces insectes coûterait 153 milliards de dollars (137 milliards d’euros) par an. “Cette étude démontre que 10 % de la valeur économique agricole mondiale dépend de la pollinisation”, précise Axel Decourtye qui a, par ailleurs, participé aux travaux qui ont mené à l’élaboration du plan français présenté par Ségolène Royal.

Danger sur l’amande américaine

Aux États-Unis, où le manque à gagner d’une éventuelle disparition des abeilles est évalué à 15 milliards de dollars par an, des filières entières dépendent des ruches

domestiques. “Les apiculteurs tirent l’essentiel de leur revenus en installant, à la demande des agriculteurs américains, leur colonie d’abeilles à côté des plantations pour en assurer la pollinisation”, explique le scientifique français. Ainsi, sans elles, il n’y aurait probablement plus d’amandes américaines, alors qu’aujourd’hui les États-Unis en sont les premiers producteurs mondiaux. La production de pommes, melons et concombres chuterait également, obligeant les États-Unis à dépenser bien plus pour importer ces fruits et légumes.

Et il ne s’agit là que des conséquences économiques directes. Les méfaits pour la santé de l'homme se feraient rapidement sentir. “Si on part du principe qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour pour rester en bonne santé, la disparition des abeilles risquerait de rendre cette tâche beaucoup plus ardue”, résume Axel Decourtye. Les dépenses de santé pourraient aussi exploser, aux États-Unis comme ailleurs. En clair, ce scénario serait un cauchemar pour la sécurité sociale.

Un paradis pour hexapodes pollinisateurs ?

L’essentiel du plan de Barack Obama consiste à vouloir rendre les États-Unis plus accueillant pour les abeilles. L’exécutif américain veut transformer sept millions d’acres (2,8 millions d’hectares) de terrain public en paradis pour hexapodes pollinisateurs. C’est-à-dire des fleurs, des plantes et pas de pesticide à proximité. Cet objectif concerne essentiellement les abeilles domestiques, les plus importantes pour l’économie américaine.

En France, le nouveau plan de Ségolène Royal cherche aussi à préserver l’habitat des abeilles, mais en se concentrant sur les espèces sauvages. “La France a été le premier pays à avoir, dès 2012, mis en place un plan de sauvegarde des abeilles domestiques”, rappelle Axel Decourtye. Les nouvelles mesures visent donc à compléter le dispositif existant. “Dans ce cas, l’important est de préserver la flore sauvage, c’est-à-dire les bords de route, près des rivières et toutes les surfaces non cultivées”, explique cet expert.

L’accent mis sur la préservation de l’habitat est certes salué, mais certains scientifiques soulignent que le même effort n’est pas déployé, notamment aux États-Unis, pour lutter contre l’utilisation intensive des pesticides. Les agriculteurs américains se servent toujours largement d’une famille de pesticides très efficaces, les “néonicotinoïdes”, dont l’utilisation est en partie prohibée en Europe car elle est jugée, de ce côté de l’Atlantique, très nocive pour le système immunitaire des abeilles. Barack Obama, dans son nouveau plan, se contente à cet égard de demander des nouvelles études pour évaluer l’impact de ces pesticides précis. “Il est dommage que ces mesures ne s’attaquent pas au problème de ce pesticide”, regrette Lincoln Brower, un biologiste américaine interrogé par le site Vox.