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L'armée pakistanaise affirme que ses troupes sont maintenant engagées dans une guérilla urbaine contre les Taliban, les combats se concentrant désormais dans Mingora, le chef-lieu du district de la vallée de Swat.
AFP - L'armée a une nouvelle fois assuré lundi qu'elle progressait dans son offensive contre les talibans liés à Al-Qaïda dans la vallée de Swat et ses environs, dans le nord-ouest du Pakistan, une opération qui entrait dans sa quatrième semaine.
Au même moment, le flot des civils fuyant les combats grossissait, laissant redouter une crise humanitaire majeure: le nombre de personnes déplacées en trois semaines approchait lundi le million et demi, a indiqué le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), soit une progression de l'ordre de 100.000 par jour depuis samedi.
A Genève, le chef du HCR Antonio Guterres a estimé que "cette crise de personnes déplacées est l'une des plus dramatiques depuis une époque récente".
Le nouveau flux porte au total à plus de deux millions le nombre de personnes déplacées du fait des affrontements entre l'armée et les talibans dans le nord-ouest depuis août 2008, a souligné le HCR.
Les avions de chasse et les hélicoptères de combats ont de nouveau pilonné lundi les repaires des talibans dans les zones montagneuses de Swat, mais les soldats ont aussi affronté les combattants islamistes dans des combats de rue notamment à Kanua, à deux km de Mingora, le chef-lieu de Swat, assuré l'armée.
Aucune des informations délivrées par l'armée, pas plus que les bilans des combats qu'elle livre chaque jour, ne peut être vérifiée de source indépendante, la zone de conflit étant hermétiquement bouclée par les militaires.
Depuis plus d'une semaine, l'armée assure assiéger Mingora, peuplée avant l'offensive de quelque 300.000 habitants, mais n'a pas encore donné l'assaut, affirmant vouloir "minimiser" les pertes parmi les civils.
A deux reprises, les militaires ont levé temporairement le couvre-feu à sa périphérie et laissé sortir des dizaines de milliers d'habitants pris au piège.
Bon nombre de ceux qui ont réussi à fuir ont décrit une ville-fantôme, privée d'électricité, d'eau et de vivres, où les gens se terrent chez eux et où la rue est livrée à des talibans armés jusqu'aux dents.
L'armée, dont nombre de rescapés assurent qu'elle pilonne sans discrimination certains quartiers, tuant de nombreux civils, n'a pas dit quand elle entendait lancer l'offensive au sol à Mingora.
Sous la pression intense de Washington, dont Islamabad est l'allié-clé dans sa "guerre contre le terrorisme" islamiste, l'armée a lancé le 26 avril une vaste offensive dans trois districts --Lower Dir, Buner, puis Swat--, pour tenter de repousser l'avancée des talibans qui avaient progressé, mi-avril, jusqu'à environ 100 km d'Islamabad.
Le ministre pakistanais de l'Intérieur, Rehman Malik, a affirmé dimanche que plus de 1.000 talibans avaient été tués en trois semaines. L'armée concède avoir perdu seulement une quarantaine d'hommes dans le même temps et refuse obstinément d'évoquer les pertes civiles, se contentant de dire qu'elles fait tout pour les éviter.
"Un total de 1.454.377 personnes se sont enregistrées" comme déplacés internes "depuis le 2 mai", a précisé le HCR dans son communiqué.
Ils viennent s'ajouter à plus de 500.000 personnes déplacées par les combats qui opposent depuis 2002 l'armée aux talibans dans les zones tribales, plus à l'ouest et frontalières avec l'Afghanistan, où Al-Qaïda a reconstitué ses forces et les talibans afghans des bases arrières.
Outre plus de 2.000 soldats pakistanais tombés depuis fin 2001 dans les zones tribales, le Pakistan est le théâtre d'une vague sans précédent d'attentats suicide qui a tué plus de 1.800 personnes en un an et demi. Oussama ben Laden en personne a déclaré le jihad, la "guerre sainte", à Islamabad pour son soutien à Washington.