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La contrebande de cigarettes, une méthode de financement prisée des terroristes

D’après un rapport publié au mois de mars par le Centre d’analyse du terrorisme, le financement des organisations terroristes à travers le monde proviendrait, pour 20 %, du trafic et de la contrebande de cigarettes.

Cigarette et terrorisme font bon ménage. D’après un rapport publié ce mois-ci par le Centre d’analyse du terrorisme (CAT), la contrebande et le trafic de cigarettes représentent plus de 20 % des sources criminelles de financement des organisations terroristes. Ces affirmations s’appuient sur 75 procédures judiciaires internationales menées depuis 2001.

Surtaxées, faciles à contrefaire, à transporter et à écouler, les cigarettes représentent un produit idéal pour la contrebande. Ce commerce illégal génère des profits considérables pour un investissement mineur et représente un risque pénal limité, précise le CAT.

De quoi séduire les groupes terroristes en quête de sources de financement : "Près de 15 organisations terroristes dans le monde recourent régulièrement et dans des proportions importantes à la contrebande et à la contrefaçon de cigarettes pour se financer, notamment les Taliban pakistanais (TTP), Lashkar-E-Taiba (LeT), Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le Hezbollah, le Hamas, les Farc, le PKK, ETA et l’IRA."

Le terroriste Mokhtar Belmokhtar, alias "Mister Marlboro"

Le CAT s’appuie sur des cas précis, tels que le démantèlement en l’an 2000, via l’opération "Smokescreen", du plus vaste réseau de contrebande de cigarettes aux États-Unis, mis en place entre la Caroline du Nord (où les cartouches sont taxées 0,65 dollars) et le Michigan (où la taxe s’élève à 7,50 dollars).

Orchestré par un certain Mohamad Youssef Hammoud, le réseau remplissait les caisses du Hezbollah au Liban et au Canada et avait permis de rapporter au moins 8 millions de dollars. En mai 2013, une autre opération, toujours aux États-Unis, avait permis de mettre à jour un autre réseau organisé, lui, entre la Virginie et New York. Les 16 hommes du dit groupe, tous en lien avec le Hamas et le Hezbollah, avaient permis la vente de 20 000 cartouches de cigarettes par semaine d’une valeur de 55 millions d’euros, générant des profits de 10 millions d’euros.

Sur le continent africain, l’une des figures principales du terrorisme du Sahel, Mokhtar Belmokhtar, avait, dès les années 1990, flairé le bon plan. Au Nord-Mali, cet ancien commandant d’Aqmi - responsable de la prise d’otages d’In Amenas en Algérie en janvier 2013 ainsi que de l’attentat de Bamako du 7 mars 2015 - avait mis sur pied "son propre réseau de propagande" dans la principale zone de transit des trafics, détaille le rapport. Cette assise régionale lui avait même valu le surnom de "Mister Marlboro".

L’EI, farouchement anti-fumeur

Même Amédy Coulibaly, auteur de la fusillade de Montrouge et de la prise d’otages de l’Hyper Cacher, les 8 et 9 janvier 2015, avait surfé sur la contrebande de cigarettes. Lors de perquisitions effectuées en 2010 dans des boxes utilisés par l’intéressé et l’un de ses complices, deux cartons de cartouches de contrebande avaient été retrouvés.

>> À lire sur France 24 : L’organisation de l'État islamique vante ses opérations de lutte contre la drogue

Au milieu de ces groupes terroristes, l’organisation de l’État islamique (EI) occupe, elle, une place un peu particulière. Si le CAT la soupçonne, elle aussi, de "tirer profit du commerce lucratif de cigarettes" dans les zones sous son contrôle, l’organisation affiche pour sa part une intransigeance à toute épreuve envers le tabac, et plus généralement la drogue.

Fumer est interdit sur les territoires contrôlés par l’EI et certaines vidéos de propagande mettent même en scène des destructions de stocks de cigarettes. Selon les lois islamistes appliquées par l’EI, la peine infligée est la prison et les coups de fouet pour les fumeurs, et l’exécution pour les trafiquants de cigarettes.