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CAN-2015 : Côte d’Ivoire-Ghana, "des superpuissances qu'on n'attendait pas là"

La finale de la CAN-2015 opposera dimanche soir la Côte d’Ivoire au Ghana, deux grandes équipes africaines qui n’étaient pourtant pas les favorites du tournoi. Le spécialiste du foot africain Frank Simon analyse leur parcours pour France 24.

Avant le début du tournoi, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui s’affrontent dimanche 8 janvier en finale de la CAN-2015, à Bata, ne faisaient pas forcément partie des favoris. Mais ces deux grandes puissances du football africain des années 2000 ont su monter en puissance tout au long du tournoi, emmenées par des sélectionneurs qui ont su renouveler leur équipe. Frank Simon, journaliste à "France Football" et spécialiste du foot africain, livre son analyse pour France 24.

France 24 : La finale de la CAN-2015 oppose la Côte d’Ivoire au Ghana, était-ce une affiche attendue?

Frank Simon : Ce sont les deux équipes les plus régulières, qui sont montées en puissance durant le tournoi. La Côte d’Ivoire a battu l’équipe favorite de cette CAN, l’Algérie, en quarts de finale, et le Ghana a montré qu’on pouvait aller en finale en perdant son premier match.

Avant l’avènement récent de l‘équipe d’Algérie, c’étaient les deux dernières superpuissances des années 2000 en Afrique. Le Ghana a une certaine régularité, en Coupe du monde et à la CAN. La Côte d’Ivoire aussi, depuis 2004, mais elle a raté une marche : la génération dorée des "académiciens" emmenée par Didier Drogba (les joueurs passés par l'Académie Jean-Marc Guillou à l'ASEC d'Abidjan, NDLR), a fait deux finales de CAN et trois Coupes du monde.

Donc en fait, ce sont des équipes qu’on attendait, mais pas forcément maintenant ! On les attendait avant.

Pourquoi étaient-ils plutôt considérés comme des outsiders ?

Ces deux équipes ont connu des éliminatoires très poussifs. La Côte d’Ivoire, qui a encaissé 12 buts, avait un vrai souci défensif. Le sélectionneur Hervé Renard, nommé en juillet, n’avait pas eu le temps de régler les problèmes, il était dans l’urgence de la qualification.

Quant au Ghana, il a terminé en tête de son groupe, mais ce n’était pas le grand Ghana : les joueurs sortaient d’un mondial au Brésil complètement raté, sur le plan sportif et extra-sportif, avec des histoires de primes… qui ont donné une image déplorable des Black Stars. Et le sélectionneur Avram Grant n’est arrivé qu’en novembre, après les éliminatoires. On n’avait aucune certitude sur ces équipes avant la CAN, et eux non plus !

Ce sont deux équipes qui "jouent", que pensez-vous de leur tactique?

Elles ont grandi avec le tournoi, en développant leur jeu. La Côte d’Ivoire est surtout une équipe à réaction, qui laisse l’adversaire rentrer dans son système et ensuite contre-attaque. Cela a très bien marché contre l’Algérie.

Le Ghana pose davantage le jeu, aime bien avoir le ballon, mais il a également une maturité tactique : en demi-finale, l’équipe a su être patiente, laissant la Guinée équatoriale se fatiguer et s’énerver. Cette fois, le Ghana a dû forcer sa nature pour piéger l’adversaire et gagner "à l’ivoirienne" !

Quel est le rôle du sélectionneur dans ces équipe ?

On a souvent dit qu’au Ghana, les joueurs étaient en autogestion et qu’Andre Ayew et Asamoah Gyan faisaient l'équipe. Mais je pense que même s’ils sont influents, Avram Grant a su apporter quelque chose à cette équipe. Il a amené de nouveaux joueurs dans l’équipe : Baba Ramane, Acquah, Appiah, ce n’est pas rien !

Quant à Hervé Renard, il est aussi très important, il a impulsé des changements tactiques en passant à une défense à trois. Lui aussi a fait confiance à des nouveaux, comme Kanon, Bailly ou le gardien Gbohouo. Il a redonné confiance à Serey Dié, qui n’avait pas été bon au Brésil, et à Yaya Touré, qui prend de l’influence et monte en puissance.

Concernant la compétition, pensez-vous que son l’image a été ternie par tous les incidents ?

L’image de la CAN est toujours "bizarre" aux yeux des non-Africains. Mais ils oublient ce qu’il se passe dans les autres compétitions. C’était un gros challenge à relever pour la Guinée équatoriale d’organiser ce tournoi dans un délai aussi court. Beaucoup se plaignent des conditions d’accueil, mais c’est souvent comme ça à la CAN : l’hébergement n’est pas toujours 5 étoiles, parfois le bus n’a pas la clim’, parfois il tombe en panne !

L’image du tournoi a été ternie, mais pas gâchée. Il y a eu le scandale du penalty sifflé contre la Tunisie, puis les incidents lors du match Ghana-Guinée équatoriale et c’est triste de voir ça. Le foot doit rester une fête et c’est valable partout.

J’étais triste pour les joueurs équato-guinéens, qui ont vu une frange de leur public prendre à partie les supporters ghanéens. La Guinée équatoriale est déjà assez critiquée par ailleurs, en dehors du sport, et la population n’a pas besoin de ça. Ça laisse un goût amer, mais ça ne doit pas gâcher le tournoi, qui va nous offrir une belle finale.