
La 42e édition du Festival international de bande dessinée débute le 29 janvier, trois semaines seulement après l’attentat perpétré contre "Charlie Hebdo". De nombreuses initiatives sont prévues pour rendre hommage aux dessinateurs tués.
Le 11 janvier, c’est logiquement devant le Musée de la bande dessinée d'Angoulême que s’est terminée la marche républicaine angoumoisine. Environ 20 000 personnes s’étaient rassemblées en hommage aux douze victimes tuées dans l’attaque contre "Charlie Hebdo", dont cinq dessinateurs : Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski. Ce dernier avait d’ailleurs obtenu en 2005 le Grand prix du Festival d’Angoulême qui récompense chaque année un auteur de bande dessinée pour l’ensemble de sa carrière. Et il avait présidé ce festival en 2006.
Willem, membre historique de "Charlie Hebdo", avait été lauréat du même prix en 2013. C’est son absence de la conférence de rédaction le 7 janvier qui l’a sauvé. Il fait désormais partie de la poignée de survivants ayant la lourde charge de perpétuer la tradition de liberté totale de parole établie depuis 40 ans par l’hebdomadaire satirique. Une semaine après la tuerie, un "numéro des survivants" était dans les kiosques, comme chaque semaine, ou presque.
>> À voir sur France 24 : Le festival de la BD d’Angoulême sous le signe de "Charlie Hebdo"
Le Festival international de la bande dessinée (FIBD) s’est rapidement associé aux hommages en annonçant la création d’un "Prix de la liberté d’expression" qui sera décerné lors de l’édition 2015 qui débutera le 29 janvier. Dans un communiqué diffusé le 12 janvier, l’équipe du festival précise qu’il s’agira d’un "prix conçu comme une récompense pérenne au cours des années à venir et auquel nous espérons pouvoir associer le nom de Charlie. Mais cela, nous ne le ferons que si ceux qui seuls en détiennent la légitimité en sont d'accord." Et les organisateurs d’ajouter : "même si attribuer le Grand prix du Festival d'Angoulême à 'Charlie Hebdo' aurait pu être notre premier réflexe, il nous est apparu, à l'issue d'une réflexion en équipe, que cette idée n'était pas forcément la meilleure. Justement parce qu’un tel choix n'ouvrait pas vers le futur."
Deux expositions
Pour justifier son choix de ne pas remettre le Grand prix à "Charlie Hebdo" cette année, le festival explique notamment qu’il ne voulait pas laisser "des assassins" priver les auteurs de cette récompense illustre, considérée comme la plus prestigieuse dans le monde de la bande dessinée française voire internationale. De plus, le vote pour désigner le (la) lauréat (e) 2015 étant déjà lancé, il semblait difficile ou délicat d’interrompre ce processus.
Ces arguments n’ont pas convaincu tous les auteurs, à l’instar de Gwen de Bonneval qui a lancé une pétition "Le Grand prix pour Charlie". En dix jours, plus de 4 000 personnes ont signé cet appel. Mais les responsables de cette initiative se sont finalement résolus à accepter le choix du FIBD qui n’a jamais récompensé, à ce jour, un journal ou une publication mais des auteurs.
Les membres de "Charlie Hebdo" ont, eux, donné leur accord à la création de ce nouveau prix "qui sera attribué, lors de chaque édition du Festival, à un dessinateur dont l’œuvre incarne une forme de résistance de pensée face aux idées reçues et/ou à la censure et/ou à l’oppression. Ce prix aura une portée internationale et concernera toute forme de dessin publié." Certains d’entre eux devraient être présents à Angoulême.
Les occasions de rendre hommage aux victimes du 7 janvier ne manqueront pas pendant les quatre journées du festival. Pour les participants comme pour les visiteurs, cette 42e édition aura une saveur très amère. Deux projets d’exposition ont été lancés en urgence. La première ressemblera à un parcours en centre-ville : des unes de Charlie Hebdo seront reproduites sur une quarantaine de panneaux électoraux accompagnées d’éléments informatifs décrivant le contexte politique ou économique dans lequel chacune a été publiée. Et le Musée de la bande dessinée accueillera également une exposition retraçant l’histoire de "Charlie Hebdo" depuis le début des années 1970.