logo

Madagascar : qui est Michael Randrianirina, le nouvel homme fort de la Grande Île ?
À la tête du coup d'État militaire survenu mardi à Madagascar, le colonel Michael Randrianirina, critique acerbe de la présidence Rajoelina, s'affiche comme le nouveau dirigeant de l'île. Celui qui doit prochainement être investi président assure ne pas vouloir confisquer le pouvoir et promet des élections dans un délai maximum de deux ans. 
Le colonel Michael Randrianirina de l'unité militaire Capsat en route vers le palais présidentiel pour annoncer leur "prise de pouvoir" à Madagascar, le 14 octobre 2025 à Antananarivo. © Brian Inganga, AP

Il a un jour aidé Andry Rajoelina à prendre le pouvoir, il est aujourd'hui celui qui le lui arrache. À la tête du coup d'État militaire survenu mardi 14 octobre à Madagascar, le colonel Michael Randrianirina a annoncé "prendre le pouvoir" en l'absence du président Andry Rajoelina, qui, selon la radio RFI, a fui dimanche Madagascar à la suite d'un soulèvement populaire. 

La Haute cour constitutionnelle malgache, ayant constaté la "vacance" du poste de président, a "invité" dans un communiqué mardi "l'autorité militaire compétente incarnée par le colonel Randrianirina Michael, à exercer les fonctions de chef de l'État". Les militaires ont également annoncé la suspension de la Constitution.

"Nous avons dû prendre nos responsabilités hier, car il ne reste plus rien dans le pays, pas de président, pas de président au Sénat, pas de gouvernement", a-t-il déclaré mercredi 15 octobre à l'agence Associated Press. Dans cette interview, le colonel a lui-même déclaré qu'il "prenait la fonction de président".

Selon un communiqué diffusé mercredi par la télévision publique malgache, il sera investi président dans deux jours. "Conformément à l'article 48 de la Constitution, le colonel Randrianirina Michaël prêtera serment en qualité de Président de la Refondation de la République de Madagascar lors d'une audience solennelle de la Haute cour constitutionnelle (...) au Palais d'Etat d'Ambohidahy (...) le vendredi 17 octobre", précise ce texte signé de sa main.

Critique virulent de la présidence Rajoelina

Nouvel homme fort de la Grande Île, Michael Randrianirina est commandant du Corps d'appui à la protection des institutions (Capsat) qui avait amené le président Rajoelina au pouvoir lors d'un coup d'État en 2009.

Si son lieu de naissance est connu - le village de Sevohipoty, dans la région d'Androy, à l'extrémité sud de l'île de l'océan Indien -, ce n'est pas le cas de sa date de naissance exacte. Les antécédents familiaux de cet homme âgé de 51 ans n'ont également pas été révélés à ce jour.

Formé à l'académie militaire d'Antsirabe (Acmil), il a été gouverneur d'Androy entre 2016 et 2018, puis est devenu chef d'un bataillon d'infanterie dans la ville de Toliara jusqu'en 2022. Il a ensuite été promu à un poste de haut rang au sein du Capsat, unité d'élite influente au sein de l'appareil sécuritaire du pays.

Sur le plan religieux, le colonel Michael Randrianirina est membre de la communauté des évangélistes, communément appelé “Mpiandry”, au sein de l’Église luthérienne de Madagascar.

Ancien soutien d'Andry Rajoelina, il en est devenu un critique virulent ces dernières années. En novembre 2023, soupçonné d'avoir incité l'armée à se mutiner, il avait été arrêté, inculpé, traduit en justice et envoyé en prison le jour même.

Libéré en février 2024 après une condamnation à une peine avec sursis pour atteinte à la sécurité de l'État, il avait finalement retrouvé les rangs du Capsat.

Le 11 octobre, alors que les manifestations de la GenZ contre Andry Rajoelina prenaient de l'ampleur, le colonel Randrianirina avait appelé les forces de sécurité malgaches à désobéir aux ordres d'ouvrir le feu sur les manifestants, incitant certains soldats du Capsat à rejoindre les manifestations.

"Simple officier exécutant"

"Nous formerons un gouvernement et parviendrons à un consensus", a-t-il assuré mardi à la BBC, assurant la tenue d'élections dans "les 18 mois à deux ans à venir".

Minimisant son rôle dans la prise de pouvoir, le colonel Randrianirina dit être "un simple officier exécutant", précisant que le pouvoir est détenu par le commandement militaire supérieur.

"L'armée a répondu à l'appel incessant du peuple malagasy à l'endroit de l'armée. Le pouvoir appartient au peuple, pas à moi", a-t-il martelé, affirmant ne pas avoir mené de coup d'État. Il s'est contenté de "restaurer l'ordre et répondre aux aspirations du peuple".

La nouvelle direction militaire devrait rapidement nommer un nouveau Premier ministre pour former un gouvernement, a-t-il rapporté à AP, sans toutefois apporter de calendrier précis pour cela. "Ce que je peux dire, c'est que nous accélérons déjà le processus afin que la crise dans le pays ne dure pas éternellement".

Les Malgaches ont vu leur pays secoué par plusieurs coups d'État et tentatives de coups d'État depuis leur indépendance de la France en 1960. L'île de l'océan Indien est également en proie à une grande pauvreté.

Président depuis 2018, Rajoelina a déclaré avoir fui vers un lieu sûr, craignant pour sa vie après la rébellion des soldats de Randrianirina. Il a depuis rejeté la prise de pouvoir militaire, la qualifiant de tentative de coup d'État illégale par une faction rebelle.

 Alors que des informations indiquaient qu'il avait été aidé à partir de Madagascar avec l'aide de la France, l'ancienne puissance coloniale, les autorités françaises ne se sont pas exprimées sur ce sujet. 

La communauté internationale et l'Union africaine, qui avait convoqué mardi une réunion d'urgence de son conseil de sécurité, n'ont, dans un premier temps, pas réagi de manière significative à la prise de pouvoir.

Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, la France a appelé mercredi les autorités militaires malgaches à préserver la démocratie et l'État de droit.

"Il est aujourd'hui essentiel que la démocratie, les libertés fondamentales et l'État de droit soient scrupuleusement préservés", a affirmé Paris, appelant "l'ensemble des acteurs concernés, institutionnels, politiques et sociaux, à faire preuve de responsabilité, de retenue et de dialogue".

"Les aspirations profondes du peuple malgache et en particulier celles de sa jeunesse, à une vie meilleure, plus juste et plus digne, doivent être pleinement entendues et prises en compte", a ajouté le Quai d'Orsay, précisant que la France "se tient disponible aux côtés des acteurs régionaux" pour la recherche d'une solution de sortie de crise.

Avec AP et Reuters