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Guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis : bis repetita pour Donald Trump et Xi Jinping ?
Après des mois de désescalade des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, les deux superpuissances ont à nouveau déterré la hache de guerre, multipliant les menaces de sanctions. Une manière de se jauger et de voir qui a les meilleurs atouts avant des négociations prévues fin octobre en Corée du Sud. Il devrait s'agir du premier face-à-face entre Xi Jinping et Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche.
La dernière fois que Donald Trump et Xi Jinping se sont rencontrés remonte à 2019 à Osaka au Japon. Ils doivent se retrouver en Corée du Sud fin octobre. AP - Susan Walsh

Devant les caméras, Donald Trump se veut rassurant. "Ne vous inquiétez pas au sujet de la Chine. Tout ira bien !", a affirmé le président américain, lundi 13 octobre. En coulisses, et dans les faits, il flotte cependant un petit air de cour de récré au-dessus du retour en fanfare de la guerre commerciale sino-américaine. À coup de "c’est pas moi, c’est lui"…

Donald Trump s’était ainsi dit, vendredi 10 octobre, "surpris" de "l’hostilité" commerciale chinoise. Le président américain avait peu apprécié la décision chinoise, annoncée la veille, d’introduire des contrôles supplémentaires sur les exportations de terres rares, des matériaux très prisés par l’industrie high-tech, dont la Chine contrôle le commerce.

Pékin refuse de jouer le rôle du méchant

Dans la foulée, Washington a menacé de réintroduire des droits de douanes de 100 % sur les exportations chinoises à partir du 1er novembre. Il a ajouté, mercredi 15 octobre, une nouvelle cible à sa liste : l’huile de cuisson chinoise. Les États-Unis ne vont plus en acheter à la Chine qui est, pourtant, leur principal fournisseur. Donald Trump a assuré qu’il s’agissait d’une mesure de rétorsion contre la décision chinoise de ne plus importer de soja américain depuis mai 2025.

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Guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis : bis repetita pour Donald Trump et Xi Jinping ?
© France 24
01:55

Pékin refuse, de son côté, de jouer le rôle du méchant. Le ministère chinois du Commerce a affirmé, dimanche 12 octobre, être tout à fait dans son droit : dans un environnement géopolitique aussi volatil, la Chine se doit de pouvoir contrôler à qui elle vend ses terres rares. Et puis de toute façon, a ajouté le ministère, ce sont les États-Unis qui ont commencé en étendant l’interdiction d’exporter des composants électroniques à des filiales de sociétés chinoises, même hors de Chine.

Pour ne pas être en reste, Pékin a décidé d’imposer des taxes supplémentaires aux cargos nord-américains qui accostent dans un port chinois, une mesure entrée en vigueur le 14 octobre.

Tout se passe comme si les deux superpuissances étaient revenues au printemps 2025, après l’annonce par Donald Trump des droits de douanes en série contre le monde et la Chine en particulier. Pourtant, durant l’été, des négociations avaient permis de faire baisser les tensions et les droits de douanes nord-américains.

En septembre encore, Donald Trump et Xi Jinping s’étaient entretenus au téléphone dans une atmosphère détendue. La conversation avait été qualifiée d'amicale par la Maison Blanche.

Qui a déterré la hache de guerre ?

Un mois plus tard, "nous sommes de retour dans un cycle vicieux d’escalades progressives de tensions", avertit Xin Sun, spécialiste de l’économie chinoise au King’s College de Londres.

Qui a déterré la hache de guerre ? Difficile de résoudre ce casse-tête (américano-)chinois. Pour les uns, la Chine a été surprise par le retour de la rhétorique de guerre commerciale à Washington. Les autorités chinoises "pensaient qu’il y avait un accord implicite à ne pas prendre de nouvelles mesures tant que des négociations étaient en cours. Elles ont eu l’impression que les États-Unis ont violé cette trêve et qu’il fallait montrer aux Américains qu’on ne se laissera pas faire", assure Marina Rudyak, sinologue à l’université de Heidelberg (Allemagne).

Mais d'autres estiment que les Chinois avaient intérêt à relancer le conflit. Notamment pour des raisons internes. "La quatrième session plénière du 20e Comité central du Parti communiste chinois (PCC) se déroulera du 20 au 23 octobre. Il y sera notamment question de sécurité nationale et Xi Jinping veut probablement montrer qu’il est respecté sur la scène internationale, y compris par les Américains. L’arme des terres rares est particulièrement efficace pour faire pression sur les partenaires internationaux", souligne Wan-Hsin Liu, spécialiste de la Chine et du commerce international à l’Institut de Kiel pour l'économie mondiale (IFW-Kiel).

L'annonce par Pékin de restrictions douanières dans le secteur des terres rares a aussi valeur de test mondial car, pour l’instant, Pékin n’a pas encore prévu de limiter l'exportations de ces matériaux stratégiques… Simplement de mieux contrôler à qui la Chine en vend. "C’est une manière de voir comment les États-Unis et l’UE réagissent à cette menace", résume Wan-Hsin Liu.  

Les terres rares représentent un peu la bombe atomique de l’arsenal commercial chinois, qu’il faut manier avec précaution. "C’est l'arme de dissuasion la plus efficace de la Chine car tous les pays ont besoin de ces terres rares pour leurs industries de pointe", souligne Xin Sun.

Pour Pékin, brandir cette arme est un signe de confiance en soi. "C'est l'aboutissement d’une stratégie poursuivie depuis longtemps par le pouvoir chinois. En 2017, Xi Jinping disait déjà qu'il ne devait y avoir aucune chaîne de production mondiale majeure pouvant fonctionner sans la Chine. Le but était de rendre le monde sûr pour le développement économique chinois en rendant le reste du monde dépendant de la Chine", explique Marina Rudyak. Le contrôle du commerce des terres rares illustre cette approche.

Mettre la pression avant le face à face Xi Jinping-Donald Trump

La question de savoir qui a tiré en premier importe cependant moins que celle du timing de la reprise des hostilités, d’après les experts interrogés par France 24. Xi Jinping et Donald Trump doivent se retrouver face à face pour la première fois depuis 2019 lors du sommet de l’Apec (Sommet de la Coopération économique pour l'Asie Pacifique) en Corée du Sud le 31 octobre. "Les deux pays font tout pour être en position de force lors du sommet de l’Apec en Corée du Sud. Il faut donc montrer qu’on a les meilleurs atouts en main", explique Xin Sun.

Les États-Unis misent en partie sur l’imprévisibilité de Donald Trump. Ce n’est pas un hasard si le président américain se plaint un jour de "l’hostilité incompréhensible" chinoise, puis assure le lendemain que "tout ira bien" avec Pékin. Et puis il y a les menaces très précises. La date de l’entrée en vigueur potentielle des nouveaux droits de douane a été fixée au 1er novembre - soit juste après le sommet sud-coréen - pour signifier que Washington décidera aussi de les imposer ou non en fonction de la tournure des négociations.

La Chine compte bien ne pas se laisser surprendre cette fois-ci. Xi Jinping a déjà été pris au dépourvu par le passé : "En 2018, au moment où la directrice financière de Huawei est arrêtée au Canada, Xi Jinping est assis à côté de Donald Trump lors d’un dîner au siège des Nations unies et tout le monde semble bien s'entendre. Le président chinois a appris cette interpellation - probablement organisée par le conseiller américain à la Sécurité nationale de l’époque John Bolton - en quittant la pièce. Ce genre "d'humiliation' politique reste en mémoire", souligne Marina Rudyak.

Réduire l’imprévisibilité américaine serait même l’une des principales priorités chinoises actuellement, d’après Xin Sun. "Les Chinois ne font pas confiance à ce que dit Donald Trump. Il avait déjà annoncé par le passé des droits de douane, puis les a retirés en partie, avant de menacer de les réinstaurer. Même si en Corée, Donald Trump assure qu’il ne va pas les imposer, qu’est-ce qui l’empêchera dans un an de revenir sur sa promesse ? Pékin espère que la menace d'avoir recours à l'arme des terres rares suffira. Car la Chine a besoin de stabilité autour du commerce international pour tenter de relancer son économie qui souffre", analyse Xin Sun.

Cette surenchère pour avoir la meilleure place à la table des négociations se fait au détriment du reste du monde. La menace des nouveaux droits de douane contre la Chine et l'annonce de Pékin sur les terres rares ont fait plonger les bourses et ont donné des sueurs froides aux Européens qui craignent d’être les victimes collatérales de ce combat de coqs. "Il faut que cela serve d’avertissement aux autres pays pour mieux réfléchir à gérer ce risque lié à la dépendance aux terres rares", conclut Wan-Hsin Liu.